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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

Comme ce langage flatte leurs passions, les fous le comprennent parfaitement. Dans ce moment, le docteur, qui les voit rassemblés, s’approche en tapinois avec son gros bâton. Flavio s’adresse à lui et le somme de lui rendre la liberté. Pulcinella fronce le sourcil et le menace du bâton. — Ton bâton, je n’en ai plus peur. — Et Flavio lui montre ses pistolets. À cette vue, Pulcinella change de couleur et appelle ses aides. — Tes aides sont mes prisonniers. Et Flavio lui montre les clés de leurs chambres. — Voici le plus méchant fou que j’aie jamais vu ! s’écrie Pulcinella furieux, mais obligé de se contenir, car les pistolets sont toujours tournés de son côté. Il sent donc la nécessité de parlementer, fait le bon enfant, prend un ton catin et supplie son ami Flavio de lui rendre ses pistolets : dans certaines mains ce sont des armes dangereuses. — Ah ! misérable, tu me prends donc encore pour un fou ? — Oh ! non pas. — Alors tu me prends pour un enfant ? — Pas davantage. Mais, mon bon Flavio, vous ne voulez donc pas être mon ami ? — Non. — Vous ne voulez donc pas m’écouter ? — Non. — Vous ne craignez donc pas de pousser à bout ma patience ? — Ah ! tu raisonnes, tu oses menacer… À moi, compagnons ! (Tous les fous accourent.) Saisissez-moi ce vieux scélérat. — Pulcinella veut se défendre ; mais, à la vue des pistolets qu’il a chargés lui-même et que Flavio présente à quelques pouces de son visage, il s’apaise, et, tout en se laissant faire, demande grace. — Point de grace ; de l’eau froide et des coups de bâton. — On le met sous la pompe et on le bâtonne. — Grace ! grace ! seigneur Flavio… Mes amis, épargnez-moi. — Mais les fous sont sourds à ses prières et s’écrient en chœur : — De l’eau froide et des coups de bâton ! — Les douches et la bastonnade vont donc leur train, et Pulcinella est sur le point de succomber au traitement que lui administrent ses malades, quand arrivent des soldats qui viennent de saisir Scaramouche aux trousses duquel la police était depuis long-temps. Pulcinella, cette fois, a le dessous ; il est battu, bafoué, et obligé de payer de gros dommages au marchand dont les billets ont été protestés.

La pièce que nous venons d’analyser est l’une des plus distinguées du théâtre San-Carlino. L’idée n’en est pas neuve, mais l’action se développe avec une certaine régularité. Quoique la scène se passe dans une maison d’aliénés et que les trois quarts des acteurs n’aient pas le sens commun, le dialogue n’a cependant que le degré de folie convenable au sujet, et, comme nous l’avons expliqué tout à l’heure, le but de cette petite comédie est moral. Nous n’en dirons