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et tous les pays ; il a le pressentiment qu’après avoir parcouru le cercle des opinions humaines, il trouvera la récompense de cette vaste compréhension dans des inductions fécondes. Un philosophe de l’antiquité donnait ce conseil : « Pense très souvent à la liaison et à l’intime rapport que toutes les choses du monde ont entre elles ; car elles sont pour ainsi dire entrelacées, et par ce moyen alliées et confédérées. L’une est à la suite de l’autre par l’effet du mouvement local, de la correspondance et de l’union de toutes les parties de la matière. » La même connexité est à étudier dans les conceptions et les systèmes qu’a développés l’esprit humain ; il y a là aussi un entrelacement et une cohésion qu’il importe de comprendre. Aussi plus l’homme saisit de rapports, plus il traverse d’opinions et de points de vue pour en savoir le sens et la portée, plus il multiplie les sensations morales que peuvent lui envoyer les objets du monde intellectuel, plus il fouille d’idées, de systèmes et de dogmes, plus il travaille à être vraiment homme en se mettant dans des relations légitimes avec la nature des choses. La vérité est dans l’étendue, et elle se dérobe à ceux qui veulent morceler l’espace qu’elle s’est donné pour théâtre. Quand le plus grand métaphysicien moderne eut prononcé cette formule : La pensée est l’attribut de Dieu, ou Dieu est la pensée même, il vit qu’il avait encore quelque chose à dire, et il laissa tomber cet autre axiome : L’étendue est l’attribut de Dieu, ou Dieu est l’étendue même. Ce n’est pas en un jour qu’on parvient à comprendre ce mot et à saisir cette équation sublime de l’étendue et de la pensée dans le sein de Dieu. Mais on peut dire qu’aujourd’hui l’humanité s’agite et travaille sous l’influence de cette grande parole ; elle la pratique ; partout ses efforts tendent à reculer les bornes anciennes, à écarter les formes surannées et inutiles ; elle a la conscience qu’elle ne peut mieux trouver le vrai qu’en cherchant ce qui est simple et universel.


Lerminier.