Voilà un original bien osé, de me parler ainsi en face !
Et puis, comme la noblesse est incontestablement ruinée…
Elle ne l’est pas encore, c’est moi qui vous le dis.
Elle le sera dans six mois, dans six jours peut-être, grâce à vous et à vos confrères, vous le savez bien. Que pourra-t-elle vous donner quand vous lui aurez tout pris ? Ses titres, ses armoiries ? Qu’en ferez-vous alors ? Vous voyez bien qu’il n’y a là que mensonge et fumée.
Vous raisonnez serré, maître Freeman, et votre conclusion est que vous devez épouser ma fille par la raison que vous n’avez ni argent ni blason ? Il n’en sera pourtant rien, je vous jure.
J’aurai un blason quand je voudrai, et de l’argent, à coup sûr, j’en aurai.
Ouais ? seriez-vous un homme adroit ?
Non, mais je suis aussi laborieux que vous et beaucoup plus intelligent.
Ah oui ! vous êtes philosophe ! ça vous mènera loin.
Je suis cultivateur, monsieur, et négociant, et je suis en train de faire fortune.
Eh bien ! quand ce sera fait, vous reviendrez, et on verra.
Je serai riche le jour où vous serez ruiné. Prenez garde qu’alors je ne vous en dise autant.
Quel diable d’original ! c’est peut-être un habile compère. (Haut.) Expliquez-moi ça.
Vous savez bien qu’il y a de belles et bonnes terres à la Louisiane, et vous savez bien aussi qu’il n’y a pas de mines d’or ? Vous savez bien que Crouzat a cédé son privilége pour rien ?
Monsieur, doucement, doucement ! ne criez pas si haut des choses que vous ne savez pas.
Oh ! mon Dieu, j’étais présent à la signature de l’acte.