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même mystique ; voyez la pièce XXVIII, adressée à une jeune femme, pièce dont la pensée est entièrement panthéiste, et qui se termine par un trait de mysticité ultra-catholique. Tantôt M. Hugo admet la matière éternelle et infinie :

Nature d’où tout sort, nature où tout retombe.
.............
Un vague demi-jour teint le dôme éternel.

Tantôt il reconnaît la création et proclame la souveraineté de Dieu, sur son œuvre :

…… Dieu fait l’odeur des roses
Comme il fait un abîme……
...........
Le monde est à Dieu, je le sens ;
...........
La terre prie et le ciel aime,
Quelqu’un parle et quelqu’un entend.

Dans un premier vers, il écrit :

…… L’astre et la fleur commentent l’Évangile,

ce qui est la paraphrase du psalmiste : Cœli enarrant gloriam Dei ; puis, devenu panthéiste dans le vers suivant, il glisse cette pensée, aussi éloignée que possible de l’esprit biblique :

…… Dieu met, comme en nous, un souffle dans l’argile.

Je ne connais, je dois le dire, rien de plus pénible, de plus blessant, de plus déchirant pour le cerveau, que ce conflit aigu de toutes les idées, ce cliquetis de toutes les croyances, cette confusion stridente de tous les systèmes.

C’est, je le sais, une prétention déjà ancienne dans M. Hugo, et qui remonte aux Orientales, que de donner asile et rendez-vous dans le vaste giron et la compréhensive enceinte de sa poésie à toutes les idées, à toutes les croyances, à toutes les erreurs, à toutes théories qui vivent ou ont vécu dans les sociétés humaines. Cette prétention à l’ampleur, au complet, à l’ouverture indéfinie, a été magnifiquement exprimée par M. Hugo dans la fameuse comparaison de la poésie avec une vieille ville espagnole, où l’on trouve tout : « Fraîche promenade d’orangers ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge ; palais, cou-