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REVUE. — CHRONIQUE.

ce qu’on dit toujours de toute chose nouvelle. Des hommes très versés dans ces matières nous ont assuré qu’il ne serait guère plus difficile à exploiter que le monopole du tabac.

Quoi qu’il en soit, pour le moment, la difficulté est résolue ; nous ne croyons pas que la chambre des pairs puisse refuser une mesure si conforme à l’esprit d’équité et aux vues conciliatrices de la pairie.

La proposition Remilly, loin d’être oubliée dans les cartons de la chambre, paraît destinée à une fâcheuse célébrité. Il y aura très probablement un débat dont cependant fort peu de personnes se soucient. Mais les uns n’osent pas arrêter cette malheureuse proposition, les autres n’en ont plus le pouvoir. On propose maintenant de mettre à l’index pendant une législature tous les députés ; l’administration pourra se recruter partout, excepté dans les rangs des hommes que les colléges électoraux auront jugés les plus capables de bien comprendre et de bien diriger les affaires du pays. C’est une épigramme contre le système électif. Ajoutons que la mesure serait dérisoire, tant sont nombreuses les exceptions dont il faudra, bon gré mal gré, l’accompagner. Les députés pourront devenir ministres, sous-secrétaires d’état, directeurs généraux, secrétaires généraux, que sais-je ? Mais sont-ils nombreux les députés qui n’aspirent pas aux grandes fonctions politiques, qui ne se préparent pas au ministère ? Ce serait donc restreindre la concurrence sur quelques points pour l’étendre sur d’autres ; ce serait la plus malheureuse de toutes les applications du système prohibitif. Si elle est adoptée, il faudra, comme correctif, doubler le nombre des ministères et des directions générales.

On dit que la majorité de la commission se propose également d’élargir d’une manière notable le cercle des incompatibilités absolues. S’il s’agit de faire de la chambre un corps de théoriciens et de discoureurs tout-à-fait étrangers au gouvernement et aux affaires, ces diverses propositions sont fort logiques ; elles n’ont alors qu’un défaut, c’est d’être insuffisantes, incomplètes.

Il se cache cependant quelque chose de sérieux sous ces élucubrations politiques en apparence quelque peu puériles. Nous y apercevons les préparatifs d’une lutte décisive entre les deux grandes fractions qui divisent la chambre ; c’est cette lutte que nous redoutions pour tous et qui nous paraissait pouvoir être évitée. Nous l’avouons avec humilité, mais sans étonnement : nos espérances s’évanouissent, nos vœux ne semblent pas devoir être exaucés. Tous les partis ont conspiré avec succès contre la modération et la prudence politique : les conservateurs, suum cuique, les premiers. La gauche, manœuvrant avec plus d’habileté et de mesure qu’elle n’avait coutume d’en montrer, s’est laissé d’abord repousser par les centres en bonne personne, sans trop d’humeur ; tout ce qu’elle voulait, c’était que le ministère se crût repoussé comme elle, qu’il se repliât de plus en plus et forcément dans ses rangs, que toute pensée de divorce entre la gauche et lui, d’alliance entre le ministère et les centres, fût définitivement écartée. Il est évident que la gauche, à tort ou à raison, estime aujourd’hui avoir gagné définitivement ce point capital. Aussi croyons-