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LES MISSISSIPIENS.

GEORGE.

Vous me parlez aujourd’hui avec beaucoup de bonté, madame.

JULIE.

Croyez qu’il m’en coûte pour être aussi bonne, car, franchement, vous ne le méritez guère. Vous avez partout la réputation d’un ingrat.

GEORGE.

Je ne sais comment je l’ai méritée ; mais, puisque vous me dites des choses si obligeantes, je vous dirai avec ma franchise accoutumée que je craignais d’être importun.

JULIE.

Mon apparence est donc bien trompeuse ? Moi aussi pourtant, j’ai la réputation d’être franche.

GEORGE.

Votre réputation est trop bien établie à tous égards pour que j’ose vous contredire ; mais, enfin, ne m’est-il pas permis de croire qu’avec des opinions aussi différentes des vôtres sur bien des points, pour ne pas dire sur tous… je suis accueilli chez vous avec plus de politesse que de bienveillance ?

JULIE.

M. de Puymonfort peut être fort poli ; quant à moi, je ne pensais pas mériter ce reproche.

GEORGE.

Vous ne sauriez croire, madame, combien je suis heureux de vous trouver dans ces sentimens. Je désirais précisément avoir l’occasion de détruire les préventions que je vous supposais contre moi.

JULIE.

Des préventions ! je vois que votre réputation de franchise est usurpée ; vous savez trop que toutes les préventions sont en votre faveur.

GEORGE, à part.

Quel changement !… (Haut.) Je vous assure, madame, que je vous supposais quelque éloignement pour moi. Il m’a toujours semblé que ma présence vous causait une impression désagréable.

JULIE.

Désagréable ! oh ! non… mais triste, je l’avoue… Une ressemblance inouie… avec une personne qui n’est plus.

GEORGE.

Je le sais, madame.

JULIE.

Comment ! vous le savez ? quelqu’un vous l’a dit ?

GEORGE.

D’autres personnes que vous ont remarqué cette ressemblance. Et d’ailleurs j’ai des raisons plus particulières pour savoir combien elle est fidèle.