Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/705

Cette page a été validée par deux contributeurs.



ANTONIO PEREZ.

FRAGMENT OUBLIÉ
DE NOTRE HISTOIRE LITTÉRAIRE.

L’orgueil espagnol a écrit peu de mémoires ; la grandeur et l’éclat de l’histoire nationale ont absorbé les prétentions individuelles. Gonzalve et Cortès, Pizarre et Charles-Quint, Philippe II et le duc d’Albe, ne se sont ni justifiés ni vantés. Une fierté silencieuse enveloppe leur vie et leur mort. En Espagne, les gens de lettres eux-mêmes et les artistes, assez enclins à la vanité chez tous les peuples, se sont contentés de l’orgueil ; point de Benvenuto Cellini qui s’amuse à sculpter ses vices dans une phrase d’or et de bronze, ni de Bassompierre qui nous apprenne que tel jour, sur le Pont-au-Change, telle femme d’orfèvre lui fit un signe d’amour, ni de Jean-Jacques Rousseau invitant le monde à écouter sa confession personnelle. Obras, y no palabras ! « Des actions, dit Corneille, et non pas des paroles ! » Il y a un homme en Espagne qui enivre sa vie entière du plus héroïque roman, se battant contre les Turcs, courant la mer, conspirant contre les Algériens ; il ne songe point à écrire les mémoires de tant d’actions nobles et extraordinaires. Les jours de la maturité venus, ce héros, qui n’a pas un maravedis pour nourrir sa famille, fait un