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peuvent faire beaucoup ; l’or répandu à propos peut faire le reste. Les principaux griefs qui ont été mis en avant pour justifier les mesures hostiles de la Grande-Bretagne sont énumérés dans un document rédigé par le capitaine Elliot, surintendant du commerce anglais en Chine, dans l’intention de le soumettre à la cour céleste. Nous ne citerons que les derniers paragraphes de cette pièce, dont la date est, du reste, antérieure de plusieurs mois à la rupture définitive[1]. Faisant allusion à la violation des promesses faites par le commissaire impérial Lin, après la cession des vingt mille caisses d’opium appartenant au commerce anglais en Chine, le capitaine Elliot s’exprime ainsi :

« Peut-on opérer une grande réforme morale et politique en sacrifiant tous les principes de vérité, de modération et de justice ? ou peut-on penser que ces mesures spoliatrices anéantiront le commerce de l’opium ? De telles espérances sont futiles, et l’empereur a été trompé.

« Mais, s’est-on demandé de l’autre côté, les intentions sages et justes de l’empereur ne peuvent-elles pas et ne doivent-elles pas être remplies ? Assurément, elles pourraient et devraient l’être.

« Il est certain, cependant, que les dernières mesures du commissaire ont retardé l’accomplissement de la volonté impériale, ont donné une immense impulsion au trafic de l’opium, qui était, plusieurs mois avant son arrivée, dans un état de stagnation, et ont ébranlé la prospérité de ces provinces florissantes.

« Il est probable que le résultat de ces mesures sera de semer l’agitation sur toutes les côtes de l’empire, de ruiner des milliers de familles étrangères et indigènes, et d’interrompre les relations de paix qui ont existé depuis près de deux siècles entre la cour céleste et l’Angleterre.

« Les marchands et les navires de la nation anglaise ne se rendent pas à Canton et à Whampoa, parce que toute protection leur est refusée au mépris des gracieux commandemens de l’empereur, parce que l’on a caché la vérité à sa majesté impériale, parce qu’il n’y a plus de sûreté pour une poignée d’hommes sans défense, si ces hommes se mettaient à la merci du gouvernement de Canton, parce qu’il serait dérogatoire à la dignité de leur souveraine et de leur nation d’oublier toutes les insultes et outrages dont ils ont été l’objet, avant que justice entière ait été rendue, et jusqu’à ce que toutes les relations commerciales et autres aient été placées sur un pied honorable et sûr, tant pour cet empire que pour l’Angleterre. Le temps approche ; la gracieuse souveraine de la nation anglaise fera connaître la vérité au sage et auguste prince qui occupe le trône de cet empire, et toutes choses seront réglées selon les principes de la plus juste raison.

  1. Les dernières dépêches du surintendant reçues par lord Palmerston paraissent être du 6 décembre, et sont parvenues à Londres le 27 mars dernier avec les dépêches du mois de novembre.