Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/646

Cette page a été validée par deux contributeurs.
642
REVUE DES DEUX MONDES.

qué la rupture, comme aussi des conséquences probables de ce grand évènement. La conduite du surintendant anglais et celle des hauts fonctionnaires chinois ont été surtout l’objet d’une polémique active. Il serait difficile de faire dès à présent la part des hommes et des choses dans cette lutte imprévue, où figurent des personnages que la main de la Russie pousse peut-être, sans qu’ils s’en doutent, au premier plan. Le premier acte de ce drame étrange se terminait le 3 novembre dernier par un combat entre deux corvettes anglaises et vingt-neuf jonques de guerre chinoises, combat où l’activité et la précision fatale de l’artillerie européenne ont remporté une victoire sanglante et décisive. Une des jonques a sauté, trois ont coulé bas, le reste a pris la fuite dans le plus grand désarroi, et tout espoir d’accommodement s’est évanoui pour long-temps sans doute. On se trompe cependant si l’on pense que la rupture des relations régulières entre les deux peuples ait fait un tort considérable et immédiat au commerce anglais dans l’Inde. Le commerce de l’opium, depuis la saisie opérée par le commissaire Lin, a repris une activité prodigieuse, et le gouvernement suprême de l’Inde se croit tellement sûr des débouchés que lui ménagent l’audace et l’intelligence des contrebandiers, qu’il a fait des avances aux cultivateurs indigènes sur la même échelle de production que par le passé, comme si rien ne devait entraver ce monstrueux trafic. Quoique nous ne puissions entrer dans les détails et aller au cœur de cette question d’opium en particulier, nous signalerons en passant une erreur dans laquelle sont tombés plusieurs publicistes à l’égard de l’extension donnée à la culture du pavot dans l’Inde anglaise. Selon eux, « le revenu de l’Inde presque tout entier est engagé dans le commerce de l’opium, et pour suffire à une immense production, il a fallu que presque toute l’Inde fût transformée en un champ de pavots ! » Pour la première partie de cette assertion, nous renvoyons nos lecteurs aux chiffres que nous avons donnés plus haut sur les diverses sources des revenus de l’Inde anglaise ; quant à l’extension réelle de la culture du pavot, voici des données précises :

La culture du pavot se fait principalement dans quelques districts du Malwa et des provinces de Bénarès et de Patna. Des recherches faites avec beaucoup de soin par ordre du gouvernement, en 1820, avaient établi que, dans le Malwa, 87,000 bigahs de terre (environ 22,000 hectares) étaient consacrés à cette culture, et fournissaient à l’exportation environ 8,000 mands, ou 4,000 caisses d’opium. En 1838, il a été expédié de Bombay 25,000 caisses, ce qui suppose que