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L’HINDOUSTAN. — AFFAIRES DE CHINE.

l’Angleterre des bienfaits de la civilisation ; alors se trouveront en présence quelques étrangers dominateurs et des millions d’hommes exaltés par le désir d’une vague indépendance, et qui n’ont qu’à se lever non-seulement pour dominer à leur tour, mais pour anéantir en un instant toute résistance ! Voilà ce qui peut arriver ; voilà très certainement quelles sont les tendances que le gouvernement anglais aura à combattre, et dont les germes déposés par la civilisation dans le sol politique de l’Inde percent déjà de toutes parts. D’autres puissances européennes, dans le but de faire prévaloir des prétentions plus ou moins fondées à la participation des avantages dont l’Angleterre jouit exclusivement aujourd’hui, pourront exciter à dessein l’esprit turbulent de certains peuples de l’Inde occidentale et du Dekkan, encourageant en même temps les projets d’envahissement des nations à demi sauvages de l’est, qui déjà plus d’une fois ont obligé les Anglais à des expéditions coûteuses pour les refouler au-delà des grands fleuves ou des montagnes qui les séparent du territoire de la compagnie. Cependant ce sont là des éventualités qui ne nous paraissent pas devoir se présenter avant un assez long temps, et comme la conduite du gouvernement anglais n’a manqué, à aucune époque décisive, ni de fermeté ni de prévoyance, il est naturel de penser qu’elle continuera à s’adapter à la marche des évènemens et à lutter avec son habileté ordinaire contre les causes de destruction qui ne cesseront de menacer la domination anglaise dans l’Hindoustan. Nous persistons donc à regarder le système de politique intérieure que nous venons de développer comme le plus applicable aux circonstances dans lesquelles le gouvernement de l’Inde anglaise s’est trouvé placé jusqu’à ces derniers temps à l’égard des princes du pays. L’administration civile, judiciaire et financière du territoire anglais proprement dit ne nous semble pas en somme avoir été dirigée d’après des principes aussi sages et des vues aussi saines et aussi libérales. Néanmoins, cette administration a eu de tout temps le mérite d’une organisation simple et concentrée, en harmonie avec la forme même du gouvernement. Le reproche le plus grave qu’on puisse lui adresser, c’est précisément l’excès de cette concentration, qui place fréquemment encore aujourd’hui dans la même main des pouvoirs qui devaient en bonne justice être totalement distincts, et qui fait passer sous les yeux d’un seul juge ou d’un seul collecteur[1] les innombrables affaires créées par les conflits d’intérêts d’une population trop considérable pour que l’activité et le

  1. Collector, receveur-général.