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LES MISSISSIPIENS.

quand on en vient à négocier. J’espérais tripler la valeur de nos actions, j’ai à peine doublé.

BOURSET.

C’est que vous êtes une sotte. Les femmes ne savent rien faire. Moi, je viens de décupler.

JULIE.

Comment cela ?

BOURSET.

Je tiens un actionnaire qui vaut cent pour cent.

JULIE.

Et qui donc ?

BOURSET.

Ça ne vous regarde pas… Écoutez seulement ce que j’ai à vous dire… Mais où est votre fille ?

JULIE.

Elle est malade.

BOURSET.

Ce n’est pas vrai. Est-elle habillée ?

JULIE.

Je vous assure qu’elle est fort enrhumée ; le docteur lui a prescrit de garder la chambre.

BOURSET.

Le docteur est un âne. J’entends qu’à l’instant même Louise soit mise en liberté, parée de sa plus belle robe, bien coiffée, bien jolie, bien gaie ; qu’elle voie la fête, et qu’elle soit vue de tous ; qu’elle plaise, qu’elle brille, car il faut que ce soir vingt hommes, et des plus huppés, soient amoureux d’elle et me la demandent en mariage.

JULIE, effrayée.

Mais, monsieur, Louise est trop jeune pour que vous songiez à l’établir.

BOURSET.

Vous vous trompez, elle a quinze ans.

JULIE.

Plus vous la produirez, moins elle plaira. Elle est fort niaise, manque absolument d’usage, et jase avec tout le monde sans discernement.

BOURSET.

Si cela est, c’est votre faute, et je veux qu’à partir d’aujourd’hui elle soit sous la direction de sa grand-mère, qui est une femme d’esprit et saura la former.

JULIE.

Craignez qu’elle n’en sache trop.

BOURSET.

Voilà comme les filles bien nées parlent de leurs mères ; il n’est pas étonnant qu’elles traitent si mal leurs filles.