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à on tour, se montre au public, qui, en général, prend un assez vif intérêt à ces solennités. On ne saurait apporter assez de soin dans le choix des lectures qui se font en cette occasion, et, pour ma part, je voudrais que l’Institut vînt exposer gravement et sérieusement le résultat de ses travaux et les progrès des sciences, des lettres ou des arts, sans trop se préoccuper de l’auditoire, qui, du reste, s’aperçoit toujours des efforts que l’on fait pour l’amuser. Les pensées élevées et une grande pureté de langue et de style, voilà les moyens qu’employait Fourier pour enlever tous les suffrages, sans faire aucune concession aux auditeurs et sans parler à leurs passions. On prétend que nous sommes prochainement menacés d’entendre[1] un morceau de Salluste, traduit en vers par un membre de l’Académie des Inscriptions. Si le fait est exact, pourquoi cette Académie juge-t-elle le public assez défavorablement pour se croire obligée de venir lui réciter une espèce d’apologue comme on le ferait aux enfans, au lieu de lui faire comprendre l’importance de ses travaux par un morceau solide et instructif sur une de ces questions d’histoire ou de philologie que les membres de cette docte compagnie savent si bien traiter ? Les séances annuelles de l’Académie des Beaux-Arts et de l’Académie française sont les plus animées, et quelquefois même en y assistant, on se croirait transporté dans une autre enceinte. En effet, cette musique, ces couronnes, les larmes et la joie des mères, les applaudissemens de l’auditoire, qui témoigne ses sympathies pour les jeunes talens qu’on signale à son attention, tout cela donne aux séances de l’Académie des Beaux-Arts un air dramatique qui semblerait ne pas devoir se rencontrer à l’Institut. Cependant c’est surtout les jours où l’on décerne les prix de vertu à l’Académie française que l’émotion est portée à son comble. Je ne m’arrêterai pas, monsieur, à vous retracer l’origine de ces prix célèbres institués par M. de Montyon, qui, dans des vues philanthropiques, a légué à l’institut et à divers établissemens de bienfaisance une fortune de plusieurs millions, mais dont les louables intentions n’ont pas toujours été suivies des effets les plus utiles. Je vous ai déjà signalé les inconvéniens que les prix Montyon avaient pour l’Académie des Sciences,

  1. Au moment où l’on va mettre sous presse, le bruit se répand qu’à la même séance l’Académie des Sciences sera représentée par une épître en vers composée par un géomètre. Si la chose était vraie, le public demanderait sans doute sur qui doit retomber la responsabilité d’un choix si bizarre. L’Académie n’a pas été consultée, et l’on prétend que c’est le secrétaire perpétuel pour les sciences mathématiques qui a décidé cela, on ne comprend pas dans quel but.