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AVENIR DE NOTRE MARINE.

Voyons maintenant où en est l’Angleterre sur ces divers points. Si l’ont se fiait aux chiffres officiels pour le matériel naval et l’état de la flotte, la disproportion entre elle et nous serait effrayante ; Depuis long-temps on s’habitue, chez nos voisins, à faire figurer en ligne de compte une foule de bâtimens qui, par leur âge ou par d’autres motifs, sont devenus complètement impropres au service. De là l’erreur dans laquelle sont tombés beaucoup de statisticiens. Ainsi M. Balbi n’accorde pas aux Anglais moins de 165 vaisseaux de ligne et de 117 frégates. Quoique plus réservé, l’Abrégé de Malte-Brun porte encore ce chiffre à 111 vaisseaux et 104 frégates. S’il en était ainsi, la France n’aurait plus qu’à désarmer et à confesser son impuissance. Jamais, sa marine ne pourra se mettre sur un pied pareil : on y épuiserait sans fruit les ressources nationales ; mais cette flotte anglaise, si formidable par le nombre, cet état naval exorbitant, n’existent guère que sur le papier. Ce qui en constitue l’élément principal, ce sont de vieux vaisseaux invalides qui datent des premières années de ce siècle, des prises faites sur nos escadres, des trophées d’Aboukir et de Trafalgar, hochets désormais impuissans de la vanité nationale. Image exacte du parti qui s’en va, ces vaisseaux n’ont de valeur que par leurs souvenirs et ne sont respectés que comme des reliques d’archéologie navale. Cette conservation serait légitime s’il n’en résultait un inconvénient.

Confiante dans ce matériel immense qui se perpétuait sur les annuaires et dans les statistiques, l’Angleterre a peu construit, peu lancé de vaisseaux depuis 1815. Les méthodes d’équipement et d’armement sont restées stationnaires chez elle ; elle n’a pas suivi la France et les États-Unis sur le terrain des essais et des innovations. Aussi les bâtimens neufs sont-ils rares dans la flotte anglaise, et ses plus beaux échantillons sont-ils encore sur le chantier. D’après les documens les plus exacts, il ne semble pas que la Grande-Bretagne ait maintenant plus de 22 vaisseaux de ligne armés, formant un ensemble de 1728 canons[1]. Le nombre des vaisseaux en construction est de 17 d’une force totale de 1528 canons[2]. Les frégates et corvettes armées vont

  1. Britannia, Howe, de 120 canons. — Imprenable, Princesse Charlotte, de 104. — Rodney, de 92. — Asia, Powerfull, Ganges, de 84. — Vanguard, Bellerophon, de 80. — Donegal, de 78. — Revenge, de 76. — Implacable, de 74. — Belle-Isle, Bembow, Blenheim, Edinburg, Hastings, Wellesley, Melville, Pembrock, Minden, de 72. — Total 22.
  2. Trafalgar, Victoria, Saint-George, de 120 canons. — Algiers, de 110. — London, Aboukir, Albion, de 90. — Centurion, Collingwood, Colossus, Goliath, Majestic, Mars, Superb, de 80. — Hindostan, de 78. — Cumberland, Boscawen, de 70. — Total 17.