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SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE.

siècle plus tôt, dans un pays qui ne connaissait ni les titres surchargés, ni l’amortissement, en Hollande, le gouvernement n’avait qu’à manifester un besoin pour que l’argent lui fût offert au taux de 1 1/2 à 2 pour 100. C’est qu’au milieu d’une nation vraiment opulente, les capitalistes recevaient la loi au lieu de la dicter. La tyrannie de l’agiotage n’est donc pas, comme on le suppose, une fatalité à subir ; et, loin d’être impossible, la réforme du crédit public s’opérerait d’elle-même sous l’influence d’une incontestable prospérité. Ceci nous amène à parler des banques et du crédit privé dont la sage répartition est indispensable au développement de la richesse individuelle.

V. — ORGANISATION DU CRÉDIT PRIVÉ. — DE LA BANQUE DE FRANCE.

Lorsqu’en 1832, le renouvellement du privilége de la banque d’Angleterre fut mis en délibération, un comité d’enquête institué par le parlement dressa une liste de 5,978 questions sur lesquelles il interrogea vingt-quatre personnes renommées par leur savoir et leur habileté pratique. La diffusion soudaine de tant de lumières eut pour résultat un éblouissement général qui interrompit l’examen, et la commission, après avoir entendu les vingt-quatre docteurs, déclara en toute humilité qu’elle n’était point fondée à émettre une solution. C’est là précisément ce qu’on éprouve quand on remue, avec le désir de s’instruire, le monceau de livres et de brochures composés sur la science mystérieuse du crédit, véritable Babel où toutes les langues de la civilisation sont représentées, mais où domine la langue anglo-américaine. En Angleterre et aux États-Unis, toute intelligence un peu vive a composé son utopie financière, de même qu’en France chacun a chargé sa conscience littéraire d’un roman ou d’un drame. Le grand nombre des écrits relatifs au crédit et aux banques n’a produit qu’une indécision fort nuisible aux connaissances qu’on désirait propager, car il en est des idées comme des monnaies dont le cours s’arrête dès qu’on peut élever des doutes sur leur empreinte et leur valeur. Dans ce conflit d’opinions, le plus prudent est de ressaisir comme point d’appui les notions élémentaires, les faits simples et incontestés.

Qu’est-ce qu’une banque ?

On appela d’abord banque de dépôt un fonds commun formé par les négocians d’une ville dans le but de régler tous les comptes courans par un simple virement d’écritures : c’était le moyen d’économiser, avec un temps précieux, les frais de garde et de transport des espèces, et de substituer une monnaie de change, d’une valeur strictement déterminée, aux monnaies réelles trop souvent falsifiées. Tel fut le but de la banque de Venise qui date du XIIe siècle, et des comptoirs non moins célèbres qui s’élevèrent successivement à Gènes, à Séville, à Amsterdam et à Hambourg. Plus tard on en vint à utiliser le fonds stagnant dans les caisses, en l’employant à l’escompte des valeurs commerciales. Les banques trouvèrent enfin le moyen d’augmenter leurs profits, en prêtant, au