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On voit qu’à l’exception du produit des postes et des terres de la couronne, qui donnent une somme de 68 millions à défalquer, toutes les branches du budget anglais proviennent des sacrifices imposés aux contribuables. 1,215 millions qu’elles fournissent, partagés entre vingt-quatre millions d’individus, produisent par tête 50 francs 60 centimes. Signalons encore un fait trop peu remarqué. En France, l’impôt frappé sur la propriété compose à lui seul plus de la moitié du revenu, ce qui ne dispense pas le propriétaire de grossir, comme consommateur, l’impôt indirect, de sorte qu’il acquitte plus des trois quarts de la dette commune, tandis que le prolétaire n’y subvient que dans la faible proportion de ses consommations ou des jouissances qu’il se permet. Dans la Grande-Bretagne, au contraire, l’impôt levé sur les biens-fonds et les objets de luxe[1] fournit à peine la douzième partie du revenu public. Le reste est prélevé sur la satisfaction des besoins et sur les transactions, ce qui rejette presque tout le fardeau sur les têtes populaires. Chez nous, pour une surtaxe de moins de dix francs répartie sur ses dépenses d’une année, l’artisan, simple consommateur, profite de tous les services publics, de toutes les institutions qui l’élèvent au rang d’homme civilisé. De l’autre côté du détroit, les mêmes avantages lui coûteraient 48 francs ! Il est loin de notre pensée de blâmer la faveur accordée au pauvre par la loi française ; mais qu’on en convienne avec nous : dénoncer aux mauvaises passions de la foule la classe des propriétaires comme privilégiés dans notre ordre social, ce serait une manœuvre odieuse, si ce n’était une coupable étourderie.

L’ignorance des règles particulières à chaque comptabilité a aussi donné cours à des erreurs fâcheuses relativement à l’emploi de l’impôt. Peu de personnes savent qu’une forte partie des sommes allouées au trésor est immédiatement restituée aux contribuables, et ne figure que pour ordre au compte général des dépenses. Donnons pour point d’appui à nos remarques le budget comparatif des dépenses de la France et de l’Angleterre pendant l’année 1837, tableau dans lequel nous avons établi la relation des services administratifs autant que les usages de chaque pays le permettent.

  1. Les assessed-taxes portent sur les laquais, les chevaux, les voitures et les chiens.