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SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE.

ses débiteurs étrangers, et en même temps elle s’applique à fondre nombre de petits emprunts contractés à l’intérieur à des conditions fort diverses, pour en composer une dette nationale homogène, sur laquelle elle se réserve d’agir activement. — L’Autriche a repris, en 1835, le remboursement de ses 5 pour 100, interrompu en 1831 par le contre-coup de notre révolution. L’impulsion donnée par les grands états de l’Allemagne a entraîné tour à tour les états secondaires. La Bavière, le Wurtemberg, le Hanovre, les duchés de Bade, de Saxe-Cobourg et de Saxe-Altenbourg, de Nassau et de Brunswick, Hesse-Darmstadt et Hesse électorale, les villes libres, Brême, Francfort, Hambourg, ont décrété l’abaissement de l’intérêt des rentes, sans même offrir l’alternative du remboursement intégral. Les efforts évidens de plusieurs autres puissances et notamment des états italiens, pour élever au-dessus du pair le cours de leurs fonds, annoncent sans doute des projets de même nature. La France enfin, qui a si souvent les honneurs de l’initiative, semble éprouver le regret de s’être laissé devancer cette fois. On ne peut nier que l’opinion commune, séduite par des théories qui ne sont peut-être pas parfaitement désintéressées, ne se soit montrée assez favorable à la conversion de nos rentes pour déterminer le gouvernement à la présentation d’un projet de loi.

En thèse générale, le système des conversions suscite des préventions assez légitimes. Moralement, il est presque toujours entaché de déloyauté ; comme opération de finance, ses avantages sont ordinairement détruits par de graves inconvéniens.

Un gouvernement peut très justement demander une réduction d’intérêt, quand les fonds s’élèvent au-dessus de leur niveau sans le secours des manœuvres de Bourse qui les font déborder artificiellement, quand la surabondance de l’argent est évidente, et qu’il est hors de doute que l’état pourrait emprunter à un taux inférieur à celui des rentes constituées. Les exemples d’une telle prospérité sont malheureusement trop rares. Pour prévenir le reproche de violence, on met le créancier en demeure d’opter entre la réduction de l’intérêt promis et le remboursement de sa créance. Mais cette offre n’est pas sincère ; elle est presque toujours inexécutable : en la faisant, on espère bien qu’elle ne sera pas acceptée ; on se trouve même parfois entraîné à de misérables ruses pour la rendre inacceptable[1]. Quelques lignes d’un apologiste des coups d’état de ce genre donnent matière à réflexion. « Si les ministres français, dit M. Pebrer à propos du projet avorté de 1837, avaient eu sous les yeux l’histoire de la conversion de la dette anglaise, peut-être auraient-ils médité plus sérieusement l’unité de conception, le secret et la rapidité d’action qu’exigent ces opérations, et ils auraient surtout compris qu’il était de toute impossibilité de les effectuer en employant le système

  1. Nous lisons dans une brochure, provoquée en 1824 par le projet de M. de Villèle, que la Banque de France, chargée du solde des rentes vendues, refusa de payer en billets, et ne livra plus que des écus, afin d’enchaîner les rentiers timides par la crainte de retirer ostensiblement ou de garder chez eux de grandes sommes en numéraire.