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SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE.

sidéré comme le contrat définitif passé entre l’état et ses créanciers, mérite une attention particulière. Il porte que chaque inscription sera remboursée pour les deux tiers en bons au porteur délivrés par la trésorerie nationale, le capital de la rente perpétuelle devant être estimé au denier vingt, et celui de la rente viagère au denier dix. Par une déclaration expresse, le tiers conservé de la dette nationale est garanti de toute retenue présente ou future. Cette consolidation du tiers appliquée aux pensions, aussi bien qu’aux rentes constituées, fit descendre les arrérages annuels de 280 millions à 90 environ. Comprises dans cette somme, les rentes 5 pour 100, dont nous avons à suivre plus particulièrement les vicissitudes, atteignirent au terme de la liquidation le chiffre de 41,717,607 francs.

Un tel discrédit pesait sur le Directoire, qu’on ne lui supposa ni le pouvoir ni l’intention de respecter le concordat qu’il venait d’obtenir. Les rentiers vivaient dans la crainte de voir s’écrouler tout à coup les débris mal consolidés de leur fortune. La panique fut si grande, que la plupart des inscriptions, vendues au prix d’une seule année d’arrérages, passèrent dans les mains des agioteurs. Les bons pour les deux autres tiers affluèrent en même temps sur la place, et tombèrent dans un égal avilissement.

Enfin, la victoire dissipa les nuages qui cachaient l’avenir. La confiance se rétablit peu à peu : la Bourse se constitua. Les valeurs, timidement soulevées, demeurèrent bien au-dessous de leur niveau naturel. En 1802, tandis que le premier consul dictait à l’Angleterre la paix d’Amiens, le 5 pour 100 avait peine à dépasser le cours de 55 francs. Déjà pourtant on pouvait discerner que le ressort du crédit allait devenir un des plus importans dans le mécanisme général de l’état : l’heure de le régler définitivement paraissait venue. Tel fut l’objet de la loi du 21 floréal an X, par laquelle il fut déclaré que le tiers consolidé recevrait à l’avenir la dénomination légale de 5 pour 100 consolidé. Cette variante ne fut pas adoptée, comme on l’a dit, pour préciser le capital nominal en cas de liquidation, car les valeurs étaient encore tellement dépréciées, que l’éventualité d’un remboursement au pair ne pouvait pas même se présenter à l’esprit. On se proposa seulement, la discussion en fait foi, d’atténuer le souvenir de la spoliation dont les rentiers venaient d’être victimes, en changeant le nom qui la rappelait. La théorie qui soutint que le service annuel des dettes d’un état ne doit jamais excéder le dixième de son revenu total, devint en même temps article de loi. Le maximum de la dette française fut arrêté à 50 millions, dixième du budget ordinaire des recettes. Mais depuis la consolidation du tiers, les besoins d’une époque agitée avaient donné lieu à de nouvelles émissions de rentes, et déjà le chiffre des intérêts à servir dépassait de plus de 9 millions le maximum légal. On institua donc, par cette même loi de l’an X, un amortissement dont l’unique fonction devait être de ramener et de contenir la dette dans les limites voulues. Les délibérations soulevées à ce sujet décèlent une grande inexpérience financière : c’est qu’en effet la science du crédit est, de toutes les sciences qui font l’homme d’état, la plus difficile à acquérir, et celle dont l’apprentissage coûte le plus cher aux peuples. Le chef de