Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/442

Cette page a été validée par deux contributeurs.
438
REVUE DES DEUX MONDES.

le marquis del Caretta ne se présenta que pour recevoir des marques de soumission à l’autorité royale, qui avait été rétablie avant son arrivée, et pour assister à des bals. À son départ pour Noto, qui eut lieu la nuit, toute la population des campagnes, en habits de fête, l’accompagna avec des torches à travers les monts et les vallées jusqu’à sa destination. On parle encore dans la vallée de Syracuse du prodigieux spectacle que donna cette immense procession. Ainsi le volcan s’était éteint de lui-même en Sicile et à Catane, et le mouvement que la crainte du choléra avait fait naître avait cessé même avant la venue du fléau. Pendant tous ces troubles, un brick de guerre anglais, destiné à protéger les sujets britanniques, était venu de Malte stationner devant la rade de Catane, et un autre se tenait, dans le même but, à l’entrée du port de Syracuse.

Voilà toute la révolution sicilienne de 1837. À Palerme, ce fut encore moins. À Syracuse, l’âge extrêmement avancé du général Tanzi, qui y commandait, et le petit nombre de troupes dont il pouvait disposer, empêchèrent de prendre des mesures énergiques contre les dévastateurs. Je vous ai dit dans mes précédentes lettres ce qui se passa à Messine, où n’eut lieu aucune démonstration politique ; enfin, à Catane, le marquis San-Giuliano lui-même, qui tenait aux meilleures familles, et qui ne s’engagea dans le mouvement que pour contenir son fils, ne fut suivi que par des médecins, des professeurs et des avocats. Le peuple qui se souleva ne songeait qu’au choléra ; la noblesse se tint à l’écart, et l’ordre public se trouva rétabli presque sans le concours des forces napolitaines. Les rigueurs qui suivirent sont à déplorer sans doute, mais nous avons vu, en France même, que les gouvernemens ne sont pas toujours maîtres de procéder par la clémence en pareil cas.

Je vous l’ai dit avec franchise, et je ne l’ai pas caché à Naples à mon retour, la Sicile n’est pas satisfaite, mais elle espère une amélioration de son sort, et j’ose affirmer que si le gouvernement napolitain s’occupe sérieusement de l’avenir de ce pays, les pavillons de guerre étrangers pourront se présenter devant ses ports sans ébranler la fidélité de personne. Des mesures telles que la suppression partielle de l’impôt de mouture sont propres à amener de tels résultats, et il en est d’autres que désigne naturellement l’état du pays. Les Siciliens sont meilleurs marins que les habitans du royaume de Naples ; ils étudient plus sérieusement l’art nautique. Après le départ des Anglais, ils s’approprièrent avec beaucoup de talens leurs procédés, leurs modes de gréement et leur manière de construire. En outre, les bois