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Porte d’Aci, et brûlés aux acclamations de la multitude. Puis, à l’issue d’un souper qui eut lieu dans la nuit, le drapeau jaune fut déployé, et l’indépendance de la Sicile proclamée par une junte provisoire de gouvernement, qui remplaça la junte de sécurité publique élue auparavant[1]. J’ai cette proclamation sous les yeux en ce moment, et je n’y vois d’autre chef d’accusation contre le gouvernement de Naples que l’introduction du choléra en Sicile : « Però il cholera, non asiatico ma Borbonico. » Ce jeu de mots est l’unique grief qui se trouve allégué comme motif d’un acte aussi grave, quand il était possible, il faut l’avouer, d’en trouver quelques autres moins insensés. Mais le peuple n’était soulevé que par l’effroi que lui inspirait le choléra, et cette frayeur seule pouvait le soutenir dans sa résistance.

À Catane, qui renferme un grand nombre de manufactures, et où l’industrie est plus florissante que dans le reste de la Sicile, la noblesse et la bourgeoisie notable ne pouvaient tolérer long-temps un tel état de choses. Le marquis de San-Giuliano et son fils essayèrent d’attirer les plus fougueux révolutionnaires hors de la ville, en les engageant à aller faire reconnaître l’indépendance de la Sicile dans les vallées d’alentour ; mais cette proposition ne fut pas agréée, et de nouveaux excès, ainsi que de nouvelles arrestations, eurent lieu dans Catane. Enfin, dans la nuit du 3 août, sept citoyens de Catane, hommes très considérés, parmi lesquels se trouvait M. Benintendi, membre de la consulte d’état, ayant été enlevés de leurs demeures et jetés dans les prisons, les principaux habitans de Catane se rendirent à la place du Dôme, s’y formèrent de nouveau en garde nationale, qui se divisa en deux régimens, et se portant rapidement vers les casernes, où s’étaient établis les insurgés, les en chassèrent, arrêtèrent leurs chefs, s’emparèrent des vieux canons que le peuple avait enlevés

  1. Cette première junte, où figuraient quelques membres dont on n’avait pas demandé le consentement, se composait des personnes suivantes : le marquis de San-Giuliano, arrêté plus tard ; Salvatore Tornambiene, noble peu aisé, qui eut le bonheur de s’échapper ; Gabriello Carnazzo, avocat ; Diego Arangio, marchand, également contumace ; le prince Valsovoja, qui, ayant prouvé qu’il avait été contraint, fut mis en liberté ; Benedetto Privitera, avocat, qui eut le même avantage ; Vinzenzo Cordaro, le savant historien de Catane, qui fut acquitté ; un distillateur nommé Giuseppe Mirone ; un médecin, professeur de l’université, Di Giacomo ; un professeur d’histoire, Gemellaro ; un autre médecin, Carmelo Platania ; un employé, Bianchi Carbonaro ; un marchand de soie, Domenico Auteri ; le caissier de la province, prince Maletto ; le prieur Riccioli ; un juge de la grande cour de Palerme ; Pasquale Ninfo, tous mis en liberté ; enfin, le secrétaire de la commission était Salvadore Barbagallo Pittà, qui fut fusillé.