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LA SICILE.

aussi divisées que les associations municipales, les nobles aussi effrayés du déchaînement du peuple qu’à l’époque des troubles de 1820, quand Palerme ouvrait ses portes aux troupes napolitaines, à l’instigation active du prince Paterno, le plus populaire et le plus patriote des seigneurs siciliens ; ayant séjourné à Messine quand elle se réjouissait de voir arriver de l’autre côté du détroit un gouverneur civil napolitain, au lieu d’un Palermitain qu’elle avait, et à qui elle ne pardonnait, à cause de son origine, ni ses lumières, ni son activité, ni son dévouement aux intérêts de la ville ; je n’ai pu croire au retour prochain d’un mouvement semblable, encore moins à sa durée et à son caractère sérieux, s’il avait lieu quelque jour. D’ailleurs, les circonstances ne seraient pas les mêmes, et à moins d’une occupation directe, patente, de la Sicile, par une puissance étrangère, je ne crois pas que rien décide les Siciliens, influens ou non, à courir les chances de 1837 et de 1820.

En 1820, Naples elle-même avait fait une révolution, les souvenirs de la constitution de 1812 étaient encore tout récens, la noblesse était mécontente d’avoir perdu ses priviléges féodaux, et d’être privée en même temps de ceux que lui donnait le nouvel état de choses ; les libéraux de Naples, qui voulaient la liberté et l’indépendance pour eux seuls, s’opiniâtraient à maintenir les lois de timbre et de conscription ; tout contribuait alors à exciter un soulèvement en Sicile. Il eut lieu ; mais les excès de la populace réunirent bientôt contre elle la noblesse ainsi que la bourgeoisie, et ce fut, je vous l’ai dit, par le concours de ces deux classes, que la Sicile renoua ses liens avec le gouvernement de Naples, et reconnut son autorité.

En 1837, le choléra joua un grand rôle dans la révolte, comme je vous l’ai déjà conté. Vous savez comment un navire, le San-Antonio, qui portait des médicamens, fut repoussé du port de Palerme par le peuple, qui assurait que le gouvernement, voulant se débarrasser des basses classes, leur envoyait des breuvages empoisonnés. Ce fut là le commencement des troubles. J’entrai le 15 novembre 1837 à Catane. La même croyance y avait produit d’affreux excès, ainsi qu’à Syracuse, où je recueillis les plus tristes faits. Dès le mois de juin, la terreur que répandait le choléra asiatique, qui régnait alors à Palerme, s’était étendue jusque dans Catane. Des désordres eurent lieu aussitôt, et l’intendant, le préfet, ainsi que les autres autorités, se hâtèrent d’organiser une garde de sécurité publique dont le commandement fut remis au capitaine d’armes et à un membre de la noblesse, le baron Bruca. Le but apparent de cette garde était de former un cordon sani-