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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

saisi d’une joie toute naïve et attendrie en y entrant. Aucun autre discours de récipiendaire ne respire peut-être, à l’égal du sien, l’expansion sentie de la reconnaissance. Il la prouva surtout par un dévouement sans réserve à ses devoirs d’académicien : le Dictionnaire futur n’a pas de fondateur plus absorbé ni plus amusé que lui. Et qui donc serait plus capable, en effet, de suivre en buissonnant l’histoire et les aventures de chaque mot à travers la langue ? Odyssée pour odyssée, celle-là, à ses yeux, en vaut bien une autre. Revenu de tout, il s’anime d’autant plus, il se passionne, en sceptique qu’on croirait crédule, à ces menues questions de vocabulaire, d’étymologie, d’orthographe ; prenez-garde ! elles ne sont, dans la bouche du Lucien au fin sourire, qu’une façon détournée et bienveillante d’ironie universelle. Ainsi souvent il se délasse de l’ennui de trop penser. Il s’en délasse à moins de frais, avec une plus vraie douceur, en famille, les soirs, en cet Arsenal rajeunissant, où tous ceux qui y reviennent après des années retrouvent un passé encore présent, un frais sentiment d’eux-mêmes, et des souvenirs qui semblent à peine des regrets, dans une atmosphère de poésie, de grace et d’indulgence.


Sainte-Beuve.