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le Moniteur de Gand ; il est l’auteur du vote attribué à divers royalistes, et qui circula au Champ-de-Mai : « Puisqu’on veut absolument pour la France un souverain qui monte à cheval, je vote pour Franconi. » Au reste, il se déroba de Paris durant la plus grande partie des Cent-Jours, et les passa à la campagne dans un château ami.

Les années qui suivent, et où se rassemble avec redoublement son reste de jeunesse, suffisent à peine, ce semble, à tant d’emplois divers d’une verve continuelle et en tous sens exhalée : journaliste, romancier, bibliophile toujours, dramaturge quelque peu et très assidu au théâtre, témoin aux cartels, tout aux amis dans tous les camps, improvisateur dès le matin comme le neveu de Rameau. Avec cela des retours par accès vers les champs, des reprises de tendresse pour l’histoire naturelle et l’entomologie : un jour, ou plutôt une nuit qu’il errait au bois de Boulogne pour sa docte recherche, une lanterne à la main, il se vit arrêté comme malfaiteur.

Il demeura jusqu’en 1820 dans la rédaction des Débats, et ne passa qu’alors à celle de la Quotidienne, sans préjudice des journaux de rencontre. Il publia Jean Sbogar en 1818, Thérèse Aubert en 1819 ; Adèle en 1820, Smarra en 1821, Trilby en 1822 : je ne touche qu’aux productions bien visibles. Chacun de ces rapides écrits était comme un écho français, et bien à nous, qui répondait aux enthousiasmes qui commençaient à nous venir de Walter Scott et de Byron. La valeur définitive de chaque ouvrage se peut plus ou moins discuter ; mais leur ensemble, leur multiplicité, dénonçait un talent bien fertile, une incontestable richesse, et il reste à citer de tous de ravissantes pages d’écrivain. À dater de 1820, la position littéraire de Nodier prit manifestement de la consistance.

Pour mettre un peu d’ordre à notre sujet, et éviter (ce qui en est l’écueil) la dispersion des points de vue, nous ne tenterons ni l’analyse des principaux ouvrages en particulier, ni encore moins le dénombrement, impossible peut-être à l’auteur lui-même, de tous les écrits qui lui sont échappés. Deux questions, qui dominent l’étendue de son talent, nous semblent à poser : 1o la nature et surtout le degré d’infuence des grands modèles étrangers sur Nodier, qui, au premier aspect, les réfléchit ; 2o sa propre influence sur l’école moderne qu’il devança, qu’il présageait dès 1802, qu’il vit surgir et qu’il applaudit le premier en 1820.

L’influence des modèles étrangers sur Nodier, on peut déjà le conclure de notre étude suivie, est encore plus apparente que réelle. On a vu à ses débuts sa vocation marquée, on a saisi ses inclinations à