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de la gauche, il n’y a pas de parti ultra en France, et s’il se formait, il se trouverait manquer du seul chef qui pouvait donner le pouvoir de soulever la France au parti ultra-royaliste de la restauration. Le temps est sceptique d’ailleurs, et le roi est de son temps. Il sait que le gouvernement représentatif se compose d’expériences, et qu’il est constitué de manière que les correctifs naissent des fautes mêmes de l’administration. Si le ministère actuel adopte ce qu’il y a d’exagérations et de vues impossibles dans la gauche, la raison publique en fera bientôt raison.

Heureusement nous n’en sommes pas là. Qu’a fait la gauche depuis l’avènement de ce ministère, et en quoi le cabinet a-t-il pactisé avec elle ? Assurément, si la gauche se montre assez raisonnable pour voter les fonds secrets, les projets de loi d’utilité publique dont elle avait hésité à reconnaître l’importance sous le cabinet du 15 avril ; si elle se contente dans un temps indéterminé, d’une simple modification des lois de septembre en ce qui tient à la définition de l’attentat, et de quelques emplois donnés à ses membres qui reconnaîtraient les nécessités gouvernementales, ces rapports bienveillans de la gauche et du ministère ne peuvent nuire à la prospérité du pays, bien au contraire, et nous ne voyons pas que le parti conservateur, la France ou l’Europe, aient lieu de s’en alarmer. Que si la gauche voulait, sans autre nécessité que ses prétentions, la dissolution de la chambre, la réforme immédiate et absolue du système électoral, le remplacement de tous les fonctionnaires qui n’ont pas pris part à la coalition, et l’introduction des siens dans toutes les places inférieures, dans les emplois municipaux, peuplés d’hommes modestes et modérés, étrangers aux mouvemens de la politique, oh ! alors il serait temps de combattre le ministère qui donnerait les mains à de pareils changemens, et de l’arrêter dans ses desseins. Mais la déclaration faite par le ministère dans la chambre des députés, le 24 mars, n’annonce rien de pareil, et, quant à ses actes, on avouera qu’il serait injuste de crier haro sur un cabinet sorti de l’opposition, qui, en présence de toute une hiérarchie de fonctionnaires dont la bienveillance pour lui est au moins douteuse, loin d’opérer une réaction administrative, s’est contenté d’observer ses agens, afin de ne frapper qu’avec certitude et justice ceux qui mettraient obstacle à la marche du pouvoir, et n’a encore présenté d’autres projets de loi qu’une mesure favorable aux chemins de fer et à d’autres travaux d’utilité publique.

Mais le ministère a déclaré qu’il souffrirait la réforme des lois de septembre en ce qui touche au jury ! Les lois de septembre, dont nous