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sonnels. On ne peut dire que la France et l’Europe se soient émues ou alarmées de l’existence de ce ministère, qui, sans ses fautes, serait déjà tombé dans l’oubli le plus profond, car on en est encore à se demander quelle pensée y présida et quelle fut sa direction politique. Ce n’est plus l’heure de blâmer la coalition qui se forma contre le ministère du 15 avril, aujourd’hui surtout que son plus fâcheux résultat se trouve supprimé par le vote de la chambre sur la dotation, acte qui a malheureusement frappé plus haut que l’administration à laquelle il a mis fin. La coalition a été, après tout, un fait important, et les faits, bons ou mauvais, ont en politique une valeur qu’on ne peut leur contester et des conséquences qu’il faut admettre. Or, la conséquence de la dernière coalition a été de diminuer dans les élections la majorité qui soutenait le ministère du 15 avril, et de renforcer les différentes minorités qui s’étaient réunies dans le but de créer une nouvelle administration. De même que le ministère du 15 avril avait dû marcher vers les idées du centre gauche qui étaient en discrédit dans le cabinet du 6 septembre, de même le ministère sorti des élections de 1838 ne pouvait guère éviter une pareille tendance. Tout l’obligeait, en quelque sorte, pour nous servir d’une image tirée de la méthode mathématique, tout l’obligeait à être au 15 avril ce que le 15 avril avait été au 6 septembre. C’était aux restes encore puissans des 221 d’affaiblir le plus qu’il se pouvait cette tendance, et l’accomplissement de cette tâche ne devait pas offrir de grands obstacles, si l’on veut bien considérer la nature des élémens dont se forma le ministère du 12 mai. L’embarras fut grand toutefois, car, lorsqu’on se mit à vouloir modifier le programme de ce ministère de gauche où figuraient toutes les nuances d’opinions, il se trouva qu’il n’avait pas de programme, et qu’il vivait au hasard, obéissant en aveugle à son antipathie pour certains hommes, ainsi qu’à sa prédilection et à ses antécédens de protection pour quelques autres. On peut caractériser à peu près toutes les administrations qui se sont succédées en France depuis vingt-cinq ans, en disant que les unes ont marché en avant, et c’est le petit nombre, tandis que les autres ont rétrogradé rapidement, ou fait quelques pas en arrière ; mais, quant au ministère du 12 mai, il a erré çà et là, et n’a pas fait avancer ni reculer une seule question politique. C’est le plus bel éloge qu’on puisse en faire, et s’il a laissé périr presque sans ressource l’alliance anglaise par l’activité fanfaronne de ses incertitudes dans l’affaire d’Orient, s’il a contribué ainsi à l’isolement de la France, c’est assurément un fait indépendant de sa volonté, car cette volonté était bien de rester inerte. Mal-