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DES RÉVOLUTIONS
DANS
LES SOCIÉTÉS NOUVELLES.[1]

Un peuple qui a vécu pendant des siècles sous le régime des castes et des classes, ne parvient à un état social démocratique qu’à travers une longue suite de transformations plus ou moins pénibles, à l’aide de violens efforts, et après de nombreuses vicissitudes, durant lesquelles les biens, les opinions et le pouvoir changent rapidement de place..

Alors même que cette grande révolution est terminée, l’on voit encore subsister pendant long-temps les habitudes révolutionnaires créées par elle, et de profondes agitations lui succèdent.

Comme tout ceci se passe au moment où les conditions s’égalisent, on en conclut qu’il existe un rapport caché et un lien secret entre l’égalité même et les révolutions, de telle sorte que l’une ne saurait exister sans que les autres naissent.

Sur ce point, le raisonnement semble d’accord avec l’expérience.

Chez un peuple où les rangs sont à peu près égaux, aucun lien apparent ne réunit les hommes et ne les tient fermes à leur place. Nul

  1. M. de Tocqueville, qui va publier le complément de son remarquable ouvrage sur la Démocratie en Amérique, a bien voulu nous communiquer ce fragment de son travail.