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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

instruction orale donnée par les poètes anciens aux acteurs, et qui s’est continuée pendant presque tout le moyen-âge[1]. Au centre d’un théâtre circulaire, où cinq ou six spectateurs debout représentent le peuple romain, on voit le célèbre éditeur de Térence, Calliopius[2], assis comme hypodidascale, dans un petit pavillon à jour, qu’une inscription désigne comme la scène, tenant dans ses mains un manuscrit ouvert et lisant une des pièces du poète latin, que quatre jongleurs (gesticulatores), habillés et masqués à la moderne[3], semblent jouer sous sa dictée avec force gambades et gestes grotesques.

Enfin, le plus complet et le plus intéressant monument de ce genre est la belle mosaïque qui décore la maison dite du poète tragique à Pompéi[4]. Dans une salle d’un postscenium, au fond de laquelle s’élève un élégant portique, nous voyons un didascale assis et faisant répéter deux acteurs demi-nus, dont un a le masque relevé sur le front. Plus loin on aperçoit deux autres acteurs déjà revêtus de leur longue tunique, et un autre personnage que son bonnet fait reconnaître pour un esclave. Entre le poète et les deux acteurs qui répètent, se tient debout un tibicène qui, paré de la longue robe appelée stola et le front ceint d’une couronne, joue de la double flûte.

Je dois répéter au sujet des acteurs une observation que j’ai faite plus haut à l’occasion des choreutes. Le poète se chargeait d’enseigner leurs rôles aux comédiens ; mais, de leur côté, ceux-ci devaient être préparés et exercés de longue main à tous les talens qu’exige l’art scénique. Aussi y avait-il en Grèce, et plus tard à Rome, des écoles de déclamation et des maîtres de chant, phonasci[5]. Plusieurs orateurs d’Athènes, et notamment Démosthène, réformèrent les défauts de leur débit en suivant les leçons de divers comédiens[6]. Il y avait même, si je ne me trompe, dans certaines villes et particulièrement à Athènes, quelque chose d’assez semblable à notre Conservatoire de musique. Nous connaissons plusieurs des procédés qu’on employait dans ces écoles pour fortifier la voix et corriger les vices de la prononciation. « Tragœdi Græci, dit Cicéron, annos complures sedentes declamitant et quotidie antequam pronunciant,

  1. Voy. Haesslinus, Von den Meistersaenger, in libro Gruteri, ap. Bragur., vol. III, pag. 17-109.
  2. On lit après chaque pièce dans le Térence du IXe siècle de la Bibliothèque royale, dans celui du Vatican et dans presque tous ceux qui ont suivi : Calliopius recensuit
  3. C’est-à-dire avec des masques qui ne couvrent que le visage.
  4. Voy. M. Raoul Rochette, Pompeï, première partie, Maison du poète tragique, pl. XIX, pag. 28.
  5. Grut., Inscript., pag. 1089, 9 (Orelli, n. 2635.). — Cf. Sueton., Ner., cap. XXV.
  6. Plutarch., Demosth., cap. VII.