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Certains lieux même furent plus spécialement affectés à certains genres. Nous devons à un écrivain peu connu, et que l’on croit du IVe siècle, un curieux document de géographie dramatique : « Laodicée, dit-il, envoie aux autres cités d’excellens conducteurs de chars, Tyr et Béryte des mimes, Césarée des pantomimes, Héliopolis des choreutes, Gaza des pancratiastes, Ascalon des athlètes et des lutteurs, Castabala des pugiles[1]… »

À Rome, les histrions appelés d’Étrurie pour augmenter l’éclat du culte public continuèrent de se recruter dans la classe des étrangers, des esclaves et des affranchis, tous gens qui ne pouvaient faire partie des tribus. Les citoyens qui embrassaient la carrière scénique étaient notés d’infamie[2], et par cela même exclus de la plupart des droits civiques. Il n’y eut d’exception que pour les acteurs d’atellanes, et cela seulement sous la république[3]. Aussi, les poètes tragiques et comiques, qui, dans les premiers temps, jouaient, selon la coutume grecque, leurs propres ouvrages, étaient-ils tous d’origine servile ou étrangère. À cette première phase succéda en Italie, comme en Grèce, l’ère des protagonistes-directeurs, tels qu’Ambivius Turpio, Rupilius, Roscius, Æsopus, qui se firent, par leur mérite personnel, estimer des hommes les plus éminens, mais dont la probité, la gloire et les richesses ne purent réhabiliter la profession.

Les compagnies d’acteurs, appelées greges ou catervœ, étaient à Rome composées en partie d’affranchis et même d’esclaves, que leurs maîtres[4] ou leurs maîtresses[5] faisaient instruire dans les arts du théâtre pour tirer profit de leurs talens. Dans les provinces, les troupes scéniques étaient le plus ordinairement formées d’artistes grecs et surtout asiatiques. Ces corporations affectèrent de conserver sous l’empire et particulièrement depuis Hadrien, leur organisation grecque et leur nom de synode[6], même dans les villes latines. On a comparé avec quelque raison les bandes de comédiens asiatiques répandues en Occident, aux troupes de chanteurs italiens établies aujourd’hui dans toutes les capitales de l’Europe. Une inscription découverte

  1. Junior philosophus, Totius mundi descript., § 19, ap. Angel. Mai., Class. aut. e Vatic. cod. edit., tom. III, pag. 385-415. — Cf. ms. Reg., no 7418.
  2. Corn. Nepos, Prœfat. in vit. illustr. imperat., § 5. — Digest., lib. iii, tit.II, De his qui notantur infam.
  3. Le privilége des atellanes était une institution démocratique qui ne dut pas survivre à l’état républicain.
  4. Cicer., Pro Roscio comœdo.
  5. Témoin la troupe de pantomimes de Quadratilla. Plin., lib. VII, epist. 24.
  6. Grut, Inscript., 315, 9, et 316, 1. — Boeckh., Inscript., n. 349 et 2933.