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autrefois, de simples tragédies, mais des tétralogies, il devint trop fatigant pour les cinquante citoyens choisis comme choreutes, d’apprendre et de jouer quatre pièces. Eschyle qui fit, comme je le crois, dans l’Orestée le premier ou un des premiers essais des tétralogies, put n’employer dans les deux premières parties, c’est-à-dire dans l’Agamemnon et les Choéphores, que douze ou quinze choreutes, tandis que, pour porter dans la troisième partie la terreur à son comble, il avait pu réclamer la présence de tous les choreutes. L’effroi causé par l’apparition des Euménides, et, plus probablement, les justes réclamations des citoyens qui se plaignaient qu’on quadruplât leur tâche, firent décider que dorénavant on n’emploierait que douze choreutes dans chaque pièce, ce qui pour une tétralogie faisait quarante-huit choreutes, nombre bien rapproché de celui dont se composaient les anciens chœurs[1]. Quant aux poètes comiques, à qui les magistrats n’accordèrent des chœurs que beaucoup plus tard, et qui n’admirent jamais l’usage des tétralogies, ils recevaient la moitié moins de choreutes, c’est-à-dire vingt-quatre. Cela nous est prouvé par le scholiaste d’Aristophane d’une manière à la fois piquante et péremptoire : il fait remarquer que le poète a introduit dans le chœur de la comédie des Oiseaux vingt-quatre espèces d’oiseaux diverses, nombre précisément égal à celui dont se composait un chœur comique[2]. M. Boeckh a été plus loin ; il a relevé les vingt-quatre noms d’oiseaux et les a classés par mâles et femelles[3]. Le résultat de ce travail confirme une assertion importante du scholiaste, à savoir, que, quand un chœur comique se composait à la fois d’hommes et de femmes, il y avait treize hommes et seulement onze femmes[4].

J’ai dit ailleurs les raisons qui me portent à croire que, comme il y avait sur le théâtre d’Athènes des chœurs d’hommes et des chœurs d’enfans, il y en eut aussi où figuraient des femmes[5]. Au passage de Sénèque que j’ai cité pour prouver la nécessité des voix de femme dans les chœurs, je dois joindre les mots suivans du Pseudo-Aristote De mundo : « Dès que dans un chœur le coryphée a commencé, tout le chœur des hommes, et aussi celui des femmes, se joignent à lui, et toutes ces différentes voix, composées de grave et d’aigu, ne forment en se mêlant qu’une seule harmonie. » À ceux qui objec-

  1. Cette opinion est à peu près celle d’Ottfr. Mueller. Eumenid.
  2. Schol., in Aristoph. Av., V, 300. — id., in Acharn.,V, 210.
  3. Boeckh., Grœc. tragœd. princip., pag. 70, seq.
  4. Schol., in Aristoph. Equit., V, 593.
  5. Origines du théâtre moderne, tom. I, pag. 125 et suiv.