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quelques secours, au moins indirects, du général Gaines, qui s’était avancé de son côté jusqu’à Nacogdoches, sur le territoire texien, par ordre de Jackson.

Enfin, le 21 avril, fut livrée, sur les bords du San-Jacinto, la bataille qui décida du sort du Texas. L’armée de Santa-Anna s’élevait à quinze cents hommes effectifs, celle d’Houston à sept cent quatre vingt-trois, dont soixante-un seulement de cavalerie. La veille, Houston avait fait rompre tous les ponts par lesquels l’ennemi aurait pu se retirer vers le Brazos. Son instinct ne l’avait pas trompé. L’engagement ne fut pas long ; les Texiens marchèrent en avant au cri de : Souvenez-vous de l’Alamo, et bientôt Travis et ses braves furent vengés. On tua aux Mexicains six cent trente hommes, dont un officier-général et quatre colonels ; deux cent quatre-vingts furent blessés, et sept cent trente faits prisonniers. La destruction de ce corps d’armée était donc complète. Cette victoire ne coûta aux Texiens que deux hommes tués et vingt-trois blessés, dont six mortellement. Le colonel M. B. Lamar, aujourd’hui président de la république, commandait la cavalerie, et justifia par sa bravoure la confiance des soldats qui l’avaient choisi pour chef.

Santa-Anna ne fut pris que le lendemain par un détachement envoyé à la poursuite du peu de Mexicains qui avaient échappé. On le trouva caché dans de hautes herbes et fort effrayé. Il baisa la main du premier soldat texien qui se présenta, et offrit à ceux qui l’entouraient une fort belle montre, des bijoux et de l’argent ; mais ce fut en vain qu’il tenta de les corrompre. Alors il se prit à pleurer. On le rassura et on le conduisit auprès d’Houston, qui dormait au pied d’un arbre, la tête appuyée sur sa selle. Ce fut seulement alors que Santa-Anna se fit connaître. Il lui dit en espagnol : « Je suis Antonio Lopez de Santa-Anna, président de la république mexicaine et général en chef de l’armée d’opérations. » Puis il demanda de l’opium, dont il prit une grande quantité, et, paraissant se remettre de son trouble, il dit encore au général Houston : « Vous n’êtes pas né pour les choses ordinaires ; vous avez vaincu le Napoléon de l’ouest. » Après cette bouffée d’orgueil, si ridicule dans un pareil moment, il demanda ce qu’il ferait de lui. Houston, éludant la question, lui répondit que d’abord il eût à faire évacuer le Texas par ses troupes, et lui reprocha sa cruauté envers les Texiens. Quant à l’affaire de l’Alamo, Santa-Anna se défendit en invoquant le droit de la guerre. « Soit, reprit Houston ; mais le massacre de Fannin et de ses gens ? — Il n’y avait pas de capitulation, répliqua le prisonnier, et d’ailleurs