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réunit à San-Felipe dans les derniers mois de 1832, sans convocation légale et par un mouvement spontané des colons. Les travaux de cette assemblée, dont l’existence irrégulière était par elle-même un fait assez grave, durèrent plusieurs mois, quand il aurait suffi de quelques jours. Elle rédigea une constitution pour l’état du Texas, et consigna dans une pétition au gouvernement de Mexico les motifs qui portaient la population texienne à désirer sa séparation d’avec l’état de Cohahuila. De ces motifs, les uns étaient sérieux et justes, les autres étaient empreints d’une grande exagération, pour ne rien dire de plus. Je les ai déjà indiqués. Mais, si l’on veut aller au fond des choses, et, qu’on me passe le terme, si l’on regarde le dessous des cartes, il faut reconnaître que les Texiens, se défiant des intentions du Mexique à leur égard, voulaient tout simplement se donner le droit de faire leurs affaires eux-mêmes. Ils n’étaient pas du même sang, ils ne parlaient pas la même langue que les Mexicains. Malgré les règlemens sur la colonisation, il est plus que probable que la plupart d’entre eux ne professaient pas la religion catholique. Perdus sur quelques points d’un immense pays, ils voulaient pouvoir y attirer leurs compatriotes de l’Union du nord par des garanties politiques et civiles dont la législation mexicaine se montrait fort avare ; leur amour-propre national était blessé, leurs intérêts souffraient quelquefois de ne former qu’une minorité imperceptible dans le congrès provincial de Monclova. Que faut-il de plus, je ne dirai pas pour justifier, mais pour expliquer et pour rendre humainement inévitable leur désir de scission ? Les abolitionistes des États-Unis, gens estimables, mais qui joignent des vues étroites à un fanatisme ardent, n’ont voulu y voir d’autre intérêt, d’autre passion, d’autre principe que le maintien de l’esclavage menacé par l’esprit des lois mexicaines. C’est une manière trop exclusive de juger la question. Les planteurs anglo-américains du Texas désiraient sans doute maintenir l’esclavage à leur profit ; mais ce n’était pas leur seul besoin : politiquement et socialement, ils différaient trop, par leur génie intime et par leur caractère propre, du peuple dont ils partageaient les destinées, sans avoir sur elles assez d’influence pour ne pas éprouver une tendance irrésistible à ne mettre que le moins possible de leur existence en commun avec lui. Les caprices du despotisme militaire, qui sous les apparences de la liberté constitutionnelle domine si souvent les républiques d’origine espagnole, auraient seuls suffi pour décider une population de race anglaise à se séparer du Mexique.

La convention de San-Felipe (1832-33) s’étant donc prononcée pour que le Texas reçût une organisation distincte de l’état de Coha-