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sent, de cette façon, fait preuve à la fois de la noblesse de leur caractère et de la constance de leurs sentimens. On s’est en outre indigné de les trouver dans certaines occasions (par exemple lors du carnaval) l’un des peuples les plus gais et les plus fous de la terre[1] ; ces saturnales ont paru une sorte de contre-sens et leur ont attiré des reproches trop exagérés pour être tout-à-fait justes. Dans ces circonstances exceptionnelles, leur gaieté est en effet fort bruyante et tient presque du délire ; mais ce genre de gaieté, qui ne se manifeste que par de grands éclats, est propre surtout aux tempéramens mélancoliques et aux caractères habituellement graves, et nous le répétons, le peuple romain a dans le caractère un fonds de gravité triste qu’on découvre même sous toute cette joie.

Cette gaieté bruyante et désordonnée se retrouve également dans ces comédies populaires et dans ces farces qui charment le parterre des petits théâtres de Rome. Mais, au milieu de ces charges grotesques, on est surpris de rencontrer par instans de ces coups de pinceau vigoureux et naïfs, de ces touches pénétrantes qui démontrent une profonde connaissance du cœur humain, et qui rapprochent le poète comique du moraliste et du philosophe. Les auteurs de ces farces ne se sont cependant pas attachés, comme Molière et nos bons comiques, à peindre principalement les vices et les travers du cœur humain : les ridicules extérieurs les ont frappés davantage ; cette peinture des ridicules extérieurs, trop souvent exagérée, a dû nécessairement les faire tomber dans la bouffonnerie. Ils n’ont pas fait le portrait de la vie, ils en ont saisi la caricature ; mais il est certain genre de caricature qui approche plus de la ressemblance parfaite et qui fait mieux connaître l’original que le portrait le plus exact : il est telle habitude de l’homme que le grotesque seul peut bien exprimer.

À Rome, les principaux théâtres, ceux de musique exceptés, ne sont guère fréquentés du public et par les mêmes motifs qu’à Florence. Le Burbero benefico, don Desiderio, le Poeta fanatico, et cinq à six chefs-d’œuvre de Giraud, Goldoni et autres qui forment le fonds de l’ancien répertoire, ne sont plus ni joués ni jouables. Les Vestris, les Casaciello, les Pertica, les De’ Marini, ces bouffons pleins de verve qui ont fait les délices de l’Italie pendant le premier quart de ce siècle, ne sont plus là pour faire valoir ces pièces beaucoup trop vantées. Ces vieilleries sont donc laissées de côté, et les œuvres modernes ne sont pas supportables, surtout quand leurs auteurs visent

  1. Mme de Staël, De la Littérature, tom. I.