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cette série d’œuvres poétiques par un ouvrage en prose, l’Histoire de la Révolution des Pays-Bas. Peu de temps après, il fut nommé professeur d’histoire à l’université d’Iéna, et ne quitta cette ville que pour aller s’établir à Weimar, où il mourut en 1805.

Geschichtliche ubersicht der slavischen sprache (Aperçu historique de la langue slave dans ses différens dialectes et de la littérature slave), par M. E. V. O.

C’est une chose singulière que, dans un temps d’investigations excentriques comme celui-ci, lorsque les savans cherchent à se signaler par des recherches nouvelles, ou à se frayer dans l’immense domaine de l’érudition des sentiers encore peu connus, nous soyons restés si étrangers à l’histoire, aux traditions, à la littérature des Slaves, cette puissante race d’hommes qui, dans les premiers siècles du moyen-âge, envahit une grande partie de l’Europe, et qui s’est si bien maintenue sur le sol qu’elle avait conquis. À part quelques traductions du russe et du polonais, quelques récits de voyage, plus ou moins complets, à part l’élégante et judicieuse Histoire de Pologne de M. de Salvandy, et le lourd volume de statistique russe que M. Schnitzler ne cesse de rappeler et de présenter au public qui recule devant cette œuvre franco-germanique, qu’avons-nous donc qui puisse nous guider dans l’étude d’une littérature étendue, variée, ancienne ? Rien, ou presque rien. La Bibliothèque royale a été dotée récemment d’une seconde chaire de chinois. N’aurait-on pu du même coup créer une chaire de littérature slave ? Sans vouloir le moins du monde déprécier l’enseignement du chinois ancien et moderne que je respecte comme un de ces parages difficiles qu’abordent peu de navigateurs, de bonne foi, pense-t-on que nous n’aurions pas vu naître avec autant d’intérêt, parmi nous, l’enseignement d’une langue et d’une littérature qui nous touchent, à vrai dire, d’un peu plus près que la Chine, qui occupent encore aujourd’hui trois états assez notables : la Russie, la Pologne, la Bohême et cinquante-six millions d’hommes, c’est-à-dire plus d’un quart de la population européenne ? Les Slaves ont eux-mêmes préparé les bases de cet enseignement par de vastes et importans travaux. Le livre de Surowiecki sur l’Origine des peuples slaves, l’Histoire de la littérature et des dialectes slaves de Schaffarick, la Bibliotheca slavica de Durich, le Traité de Dobrowsky sur l’affinité de la langue grecque avec la langue slave, l’Étymologie universelle du même auteur, les œuvres de Kopitar, Linde, Hanka, Jungmann, et un grand nombre d’autres qu’il serait trop long de citer, sont autant de recueils précieux de documens anciens, de recherches étendues. Quelques-uns de ces livres ont été traduits, ou du moins analysés et étudiés en Allemagne, mais ils ne sont pas venus jusqu’à nous.

Différentes causes ont contribué à nous maintenir dans cet état d’ignorance à l’égard des tribus slaves : l’éloignement de quelques-unes d’entre elles, le peu d’importance des autres, leur développement tardif, et par-dessus tout, le dédain superbe avec lequel nous avons si long-temps traité tout ce qui était en dehors de la France ou du domaine classique des Grecs et des Romains.