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qu’au temps même de la plus dure oppression, les Irlandais catholiques n’en étaient pas entièrement privés. Ainsi, quand les lois pénales leur enlevaient le droit de faire partie même des assemblées locales, et d’être propriétaires ou avocats, elles leur laissaient la faculté de s’assembler et de publier leur pensée. Obtenir à l’aide de ces libertés toutes celles dont jouissait l’Angleterre, tel était, en 1782, le dernier but des patriotes les plus ardens ; encore beaucoup d’entre eux répugnaient-ils, au fond de l’ame, à affranchir les catholiques. Mais, sous l’influence de la révolution française, il naquit un parti bien plus hardi, bien plus radical, et qui, non plus au nom des institutions anglaises, mais au nom des droits de l’homme, réclama nettement l’égalité entre les catholiques et les protestans. Ce parti, en 1792, enfanta l’association des Irlandais-unis qui succéda à celle des volontaires, et qui obtint de l’Angleterre une troisième émancipation. On peut supposer que si les Irlandais-unis s’étaient tenus dans une juste mesure, les lois pénales eussent à cette époque reçu le dernier coup. Malheureusement, tandis que les uns se laissaient entraîner à l’idée d’en finir avec le passé, et d’établir une république indépendante, les autres reculaient devant de tels projets, et cherchaient à les déjouer en se rapprochant du gouvernement. À la tête de ceux-ci se placèrent non-seulement les plus illustres des réformateurs protestans, Burke et Grattan, mais le clergé catholique lui-même. De là une réaction dont le gouvernement profita pour dissoudre les volontaires, et reprendre son pouvoir. De là aussi la sanglante insurrection de 1798, si effroyablement réprimée, et le bill d’union acheté d’un parlement corrompu et imposé à un peuple mutilé.

Ce qui s’est passé depuis est trop connu pour qu’il soit nécessaire de le rappeler. Je me contente de remarquer que la quatrième émancipation, celle de 1829, fut, comme celles de 1778, de 1782 et de 1793, arrachée à l’Angleterre par la nécessité. « J’ai accordé l’émancipation, disait il y a peu de jours sir Robert Peel à la chambre des communes, parce qu’elle était inévitable. » Et sir Robert Peel ajoutait que « s’il était impossible de refuser l’émancipation en 1829, il serait bien plus impossible encore de la reprendre aujourd’hui. » Si aujourd’hui l’Irlande catholique conserve les libertés qu’elle a conquises, ce n’est donc point à la justice de sa cause qu’elle en est redevable, mais à l’effroi qu’elle inspire. C’est là un fait très important et dont il est aisé de pressentir toutes les conséquences.

L’introduction historique d’où j’ai extrait tous ces faits est un morceau excellent, et auquel j’adresse un seul reproche, celui d’être trop