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mens d’une bonne histoire s’y trouvent en grande partie. Seulement il faudrait l’élaguer à certains endroits, la resserrer, la corriger d’après les nouvelles découvertes de la science, ou plutôt il faudrait la refaire avec une meilleure méthode.

Le mouvement historique imprimé au Danemark par le XVIIIe siècle se continue de nos jours avec éclat. Les hommes du Nord aiment les longues et patientes études. Ils excellent dans l’analyse, et pratiquent le commentaire comme des docteurs du moyen-âge. Fidèles aux habitudes laborieuses de leurs prédécesseurs, ils l’emportent sur eux par la portée de leurs idées et la sagacité de leurs recherches. Parmi les travaux d’érudition qui, dans les derniers temps, ont illustré l’historiographie danoise, qu’il nous suffise de citer ceux du judicieux et savant Érasme Müller, de Rosenvinge, Werlauff, Schlegel, et ceux de la société des antiquaires du Nord, dirigée par Finn Magnusen et Rafn. Beaucoup de textes anciens ont été revus et collationnés avec soin ; beaucoup de textes nouveaux ont été publiés. Tout ce qui se rattachait à l’histoire nationale : jurisprudence, archéologie, tradition, a été tour à tour étudié, discuté et développé dans de curieuses et habiles dissertations. Cependant une partie de l’histoire de Danemark est encore très confuse et très incertaine.

Suhm divise cette histoire en trois époques : époque obscure, mythique, historique.

La première s’arrête à l’arrivée d’Odin dans le Nord, c’est-à-dire environ soixante-dix ans avant Jésus-Christ, et remonte à un temps indéterminé, dont on ne peut indiquer le commencement. Il n’y a sur toute l’histoire de cette époque que de vagues hypothèses ; incertitude sur les races qui peuplèrent le Nord, incertitude plus grande encore sur leurs mouvemens et leur migration.

La seconde époque commence à l’arrivée d’Odin, et s’étend jusqu’au VIIIe siècle. C’est le temps des héros et des géans, des luttes violentes, des holocaustes de sang, le temps des traditions populaires, des récits merveilleux qui cachent le fait sous le symbole, l’histoire sous la fable. Ce n’est pas une petite tâche pour l’annaliste que de chercher à démêler la vérité sous ce tissu de poésie, à établir dans cette suite de chroniques sans ordre la chronologie des rois et la succession des évènemens. Aussi n’a-t-on pu jusqu’à présent accomplir qu’une partie de cette œuvre ; le reste attend l’arrêt définitif de la science.

Enfin au VIIIe siècle commence l’époque historique, non pas très nette encore, ni très féconde en documens, mais appuyée du moins sur une base certaine.

À prendre l’histoire de Danemark vers la fin du moyen-âge, elle n’est pas, à beaucoup près, aussi animée et aussi dramatique que celle de Suède. Ce pays n’a point eu, comme la Suède, trois ou quatre de ces rois dont la vie aventureuse et les exploits ont acquis un renom européen. Il n’a pas dans sa famille d’Oldenbourg un Gustave Wasa, un Gustave Adolphe, une Christine, un Charles XII. Il n’a pas porté, comme la Suède, ses armes au milieu des nations les plus aguerries et les plus puissantes. Il n’a pas eu, comme la Suède, la gloire d’effrayer la Russie et de régenter l’Allemagne. Toutes ses guerres, tous