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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

est le premier qui, en 1795, révéla l’habile dissertation du philosophe sur l’Égypte. Les Anglais, comme nous l’avons vu, la traduisirent en pamphlet. Le général Mortier fit faire en 1803 une copie du Consilium ægyptiacum, et l’envoya à Napoléon.

En 1839, M. Guhrauer adressa sur cette question un mémoire intéressant à l’Académie des sciences morales et politiques[1]. Les deux volumes qu’il vient de publier complètent son premier travail. Nous ne pouvons que louer le zèle avec lequel il a recherché tout ce qui avait rapport à l’œuvre de Leibnitz et le soin qu’il a mis à reproduire les documens qui s’y rattachent. Son introduction est un exposé fort clair de la tâche d’érudition qu’il s’était proposée, mais son récit manque d’unité. À voir sa préface, on croirait qu’il va s’occuper uniquement de Leibnitz, et l’histoire du ministère de Boinebourg, la politique de l’électorat de Mayence, l’entraînent tour à tour dans de longues digressions. Le lecteur ne peut prendre le même intérêt à ces trois questions.

Geschischte von Danemark (Histoire de Danemark),
par M. T. L. Dahlman, première partie.

L’histoire de Danemark a été faite à différentes reprises. Au XIIe siècle, à une époque où l’on n’avait encore dans le reste de l’Europe que de sèches et froides annales, un prêtre de Roeskilde, Saxo le grammairien, écrivit dans un latin pur, élégant, une longue et poétique chronique de son pays. Une grande partie de son récit n’est, il est vrai, qu’un habile tissu de fictions populaires. Saxo avait près de lui un Islandais qui lui racontait les fables héroïques de son pays, et le naïf historien les enregistrait avec une parfaite bonne foi. Ce fut ainsi qu’il composa une série non interrompue de rois, de guerres, d’évènemens, depuis le fabuleux Dan jusqu’à Gorm, c’est-à-dire jusqu’au IXe siècle. Mais à partir de cette époque, il écrit d’après des documens exacts, et les sept derniers livres de son ouvrage ont un caractère d’authenticité très satisfaisant. À cette histoire primitive, animée, séduisante comme un roman, succéda l’histoire érudite et critique du XVIIe siècle. Hvitfeld publia sous le titre de Chroniques dix volumes in-4o, qui ne ressemblent guère au récit charmant de Saxo, mais qui dénotent un travail consciencieux et de longues recherches. À la même époque, Bartholin publiait son livre sur les antiquités de Danemark, Ole Worm étudiait les monumens, et Torfesen soumettait à une sévère analyse les sagas d’Islande. Le XVIIIe siècle fut illustré par les travaux de Suhm, Langebek, Arn Magnussen, Gram, etc. Suhm écrivit en quatorze volumes in-4o une histoire de Danemark. C’est une œuvre d’une érudition étonnante, mais diffuse, monotone, dénuée d’art, et à certains égards dépourvue de critique. Holberg en écrivit une autre beaucoup moins savante et plus populaire. Un peu plus tard parut celle de Mallet, qui a été tout à la fois trop louée et trop dédaignée. Les élé-

  1. M. Mignet en a rendu compte dans les Mémoires de l’Académie, tom. II, 2e série.