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homme, et à laquelle assiste le père, tourmenté par ses remords, termine ce drame, sur lequel nous ne nous arrêterons pas davantage, et dont les belles parties, souvent entachées d’emphase, se rapprochent de l’épopée et de l’ode.

Au milieu de cette décadence de l’art dramatique en Angleterre, décadence qui date de loin, et dont nous venons de signaler le progrès et de citer des exemples, Édouard Lytton Bulwer a voulu, comme nous l’avons dit, relever la scène par une tentative hardie que le succès a couronnée. D’accord avec l’acteur Macready, il a commencé son œuvre par l’épuration matérielle des théâtres, livrés depuis long-temps à une corruption scandaleuse, devenus des lieux de rendez vous pour le vice ignoble, et nécessairement délaissés par la bonne compagnie et la bourgeoisie honnête. C’était le premier pas à faire vers la résurrection scénique. Pour engager ensuite les talens sous son drapeau, et pour obtenir leur concours actif, il a provoqué des changemens graves dans la législation relative à la propriété dramatique. D’après les coutumes reçues en Angleterre, on achetait une pièce à l’auteur, ce qui se nommait le copy-right ; quels que fussent ensuite les bénéfices rapportés par la représentation, ils revenaient tous au directeur et au théâtre. De là, manque d’émulation, rien qui stimulât l’écrivain ; des ouvrages misérables ou traduits du français, et qui ne coûtaient rien ; enfin un progrès constant vers la ruine définitive et incurable du théâtre. Bulwer, membre du parlement et homme de lettres, prit hautement dans les communes la défense des intérêts littéraires ; grace à lui, la propriété de l’auteur dramatique est aujourd’hui assurée en Angleterre ; il partage, comme chez nous, les bénéfices du théâtre, et trouve un intérêt actif à le faire prospérer.

Bulwer, après avoir préparé ainsi les voies, a mis la main à l’œuvre. Il a cru pouvoir intéresser le public à des drames littéraires dont la composition ne serait plus un travail mécanique, mais une œuvre d’art, et il a tenté de soustraire en même temps le théâtre à l’influence du mysticisme métaphysique, de la déclamation d’école et de la pantomime mêlée de décorations, si aimée du peuple. L’histoire et le roman ont été tour à tour consultés par lui ; ils lui ont fourni Richelieu, Mademoiselle de la Vallière, et the Sea Captain (le Capitaine de vaisseau.)

C’est dans le Capitaine que Bulwer a le mieux réussi à opérer la fusion qu’il voulait accomplir. Cet ouvrage a aujourd’hui beaucoup de succès à Londres.

Un jeune homme abandonné par sa mère se retrouve en face d’elle sans la connaître ; elle lui donne l’hospitalité dans son château :