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DU THÉÂTRE EN ANGLETERRE.

Garcia. — Je pense comme vous… Mais pourquoi se désoler ? Continuons notre chasse !

Jean. — Faites ce que vous voudrez, et laissez-moi en paix ; je suis d’humeur à ne rien supporter !

Garcia. — À votre aise !

Jean. — Est-ce que vous me bravez ?

Garcia. — La forêt est grande, et votre humeur ne me touche en rien. Calmez-vous ; retournez chez votre mère ; allez demander à la belle Hippolyte quelques douces paroles qui vous rendront plus traitable.

Jean. — Hippolyte ! que dites-vous ? que voulez-vous dire ? vous vous servez de son nom pour me blesser !

Garcia. — C’est un nom qui m’est trop cher, pour que je l’emploie à cet usage !

Jean. — Ah ! ce nom vous est cher, vous l’aimez !

Garcia. — Oui, je l’aime. Eh bien ! qu’avez-vous donc ? vous tremblez, vos lèvres se contractent, vos mains sont frémissantes !

Jean. — J’aime Hippolyte.

Garcia. — Toi !

Jean. — Moi… ; et je l’aime de toute mon ame. J’ai son amour, je suis sûr d’elle ; nous nous aimons !

Garcia. — Oh ! maudit que tu es ! Tu vas épouser une autre femme, et tu me l’enlèves, tu m’arraches son premier amour, le seul désir de mon ame ! Infamie ! infamie !

Jean. — Enfant ! tais-toi. Plus de ces paroles ! tais-toi !

Garcia. — Je ne me tairai point. Je l’aime comme mon ame, plus que la vie, plus que tout ! infame !

Jean. — C’est insoutenable ! Le plat de mon épée te punira, !… (Ils tirent leurs épées.)



Garcia. — Qu’as-tu fait, Jean ?

Jean, blessé — J’ai eu tort, Garcia. Je suis puni, je meurs.

Garcia. — Oh ! tu ne mourras pas ! la blessure n’est pas profonde.

Jean. — Elle est mortelle.

Garcia. — Non, cela n’est pas, cela ne peut être.

Jean. — Je sens ma vie qui s’en va. Le gazon est rouge, une vapeur lourde m’enveloppe ; un linceul pèse sur les objets.

Garcia. — Ce ne sera rien.

Jean. — Non, rien… que la mort. Écoute…, écoute mes dernières paroles. (Garcia s’agenouille.) Porte ma bénédiction à Hippolyte ; c’est pour toujours ; une bénédiction dans l’éternité !… Promets-le !

Garcia. — Je le promets… Ô mon Dieu !


Cette scène, très bien faite, est la meilleure de tout le drame, ou plutôt c’est la seule qui porte le véritable caractère dramatique. Une fois le meurtre accompli, tout le mouvement de la pièce s’arrête ; les déclamations ne tarissent plus. Côme de Médicis, après avoir puni injustement son fils Garcia, qui tombe sous la main d’un sicaire, reconnaît ensuite l’innocence de la victime, et se reproche amèrement sa cruelle sévérité. Une messe funèbre chantée sur le cercueil du jeune