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dont nous parlons est assurément un des ouvrages les plus recommandables que nous devions à l’école de Rome. Quelles que soient pourtant les qualités qui distinguent cette figure, M. Simart est loin encore de satisfaire à toutes les conditions de la statuaire. Le mouvement de son Oreste est naturel et vrai, mais il convient plutôt au bas-relief qu’à la ronde bosse ; envisagée sous ses différentes faces, cette figure offre un ensemble de lignes qui, sans être disgracieux, ne réussit pourtant pas à contenter le regard. Chacune de ces lignes s’explique facilement et concourt d’une façon claire à l’expression de l’épuisement ; mais la sculpture ronde bosse a d’autres exigences que le bas-relief. Il faut qu’une figure isolée intéresse à peu près également le spectateur sous quelque face qu’elle se présente. Or la statue de M. Simart, quoique traitée avec le même soin dans toutes ses parties, n’offre cependant qu’une face intéressante. Les autres côtés de la figure donnent à penser que l’Oreste faisait partie d’une composition dont nous ne possédons qu’un fragment. Il me reste à présenter sur cette statue une observation qui pourrait malheureusement s’appliquer aux meilleurs ouvrages de la statuaire contemporaine. J’ai dit que les plans musculaires de la poitrine d’Oreste se recommandent par l’élégance et la vérité : ce mérite est assez évident pour n’avoir pas besoin d’être signalé ; mais le style de ce morceau n’a rien d’idéal, rien d’héroïque. En prenant le sujet de son œuvre dans Eschyle, M. Simart se mettait dans l’obligation de s’élever au-dessus de la réalité que nous avons chaque jour sous les yeux ; or je ne trouve pas dans l’Oreste de M. Simart la grandeur que réclame un tel personnage. Sans copier servilement les monumens de l’art antique, l’auteur devait imiter les belles divisions musculaires de l’Ilissus et du Thésée. En contemplant ces deux admirables figures, chacun devine qu’il n’a pas devant les yeux des personnages ordinaires, et cette impression ne dépend pas seulement de l’habileté du statuaire, elle s’explique aussi par les belles divisions dont je parlais tout à l’heure. La poitrine du Thésée offre des plans que la nature vivante ne contredit pas, mais qui sont d’une largeur, d’une hardiesse idéale. Ce que je reproche à l’Oreste de M. Simart, c’est de rappeler trop fidèlement la réalité. En étudiant cette figure, nous prenons plaisir à retrouver dans le torse et les membres tous les détails du modèle humain ; mais cette figure est traitée avec une vérité si littérale, elle reproduit si scrupuleusement toutes les parties de la réalité, qu’elle nous empêche d’ajouter foi à la création de l’auteur. Au lieu d’Oreste, nous ne voulons