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tions qui concernent la forme du corps humain, la beauté peut se déduire de l’utilité et réciproquement. La Flora de M. Bosio, construite et modelée d’une façon contraire à l’exécution régulière des mouvemens, est complètement dépourvue de beauté. Cependant il est probable que cette figure sera louée ; il se trouvera des yeux assez peu exercés pour confondre la rondeur avec l’élégance. La contradiction que nous prévoyons n’a rien qui doive étonner, car la statuaire est plus difficile à juger que la peinture. Pour connaître les lois de la beauté et pour les appliquer à la forme dépouillée de la couleur, il faut une attention patiente qui n’est pas du goût de tout le monde. Mais ceux qui ont comparé maintes fois les monumens de l’art grec et les types les plus beaux de la nature vivante, sont amenés nécessairement à déclarer que la Flora de M. Bosio n’est ni réelle ni belle, et ne relève ni de la tradition ni de l’imitation littérale de la nature.

Le vase funéraire de M. Pradier se recommande par une grande habileté d’exécution. Les bas-reliefs sculptés sur la panse offrent une foule de détails très fins, et sont traités avec une rare délicatesse. Le quadrige rappelle heureusement les chevaux des Panathénées, l’imitation est évidente ; mais, pour copier les monumens de l’art grec, il faut plus que de la patience et de l’attention, il faut allier au sentiment de l’élégance et de la simplicité une pratique savante. Quelle que soit ma prédilection pour l’originalité, je suis donc loin de reprocher à M. Pradier d’avoir consulté les Panathénées pour composer son vase funéraire, car l’imitation que je signale n’a rien de littéral ni de servile, je crois d’ailleurs que le type emprunté à Phidias est mieux placé que le type réel dans une composition allégorique. Lors même que M. Pradier eût été familiarisé par ses études personnelles avec les formes du cheval, il eût encore bien fait de s’adresser à l’art grec et de demander conseil au Parthénon. Il n’y a pas en effet, parmi les débris de l’antiquité, un seul ouvrage dont la contemplation soit plus profitable ; il n’y en a pas un qui enseigne plus clairement la simplification et l’agrandissement de la réalité. J’accorderai, si l’on veut, que les chevaux de Géricault sont plus près de la nature que les chevaux de Phidias ; mais je crois que M. Pradier eût commis une maladresse en s’efforçant de reproduire le type des chevaux de Géricault : il y a dans la panse de ce vase une souplesse de modelé à laquelle nous devons applaudir. L’auteur, on le sait, ne se contente pas de modeler en glaise ce qui doit être traduit en marbre ; il n’abandonne pas au praticien le soin de reproduire