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REVUE DES DEUX MONDES.

Le poète aimé d’une femme
Compte aussi des jours de douleur,
Mais les pleurs sont le bain de l’ame ;
Les beaux vers naissent de nos pleurs !

Ah ! celui que l’amour délaisse
N’est plus jeune même à trente ans ;
Le malheur est une vieillesse
Qui précède les cheveux blancs.

La terre est un séjour d’épreuves,
L’homme n’est qu’un hôte en ces lieux,
Nous descendons le cours d’un fleuve
Où mille objets frappent nos yeux :

L’endroit plaît, la rive est fleurie,
On ne s’éloigne qu’à regret,
Mais une voix d’en haut nous crie :
Marche ! marche ! et tout disparaît.

Pardon, au milieu de cette période de l’école de l’art, d’avoir osé rappeler et recommander aujourd’hui quelques poésies que l’image triomphante ne couronne pas ; mais il nous a semblé que même sous le règne des talens les plus radieux il y avait lieu, au moins pour le souvenir, à d’humbles et doux vers comme autrefois, à des vers nés de source ; cela rafraîchit.


Sainte-Beuve.