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l’École normale dans les premiers temps de la fondation, y fut contemporain et condisciple des Cousin, des Viguier, des Patin ; il y devint maître comme eux. La littérature et la politique le disputèrent bientôt à l’université. Rédacteur aux Débats dès 1814, et attaché à la direction de la librairie, il quitta Paris dans les Cent-Jours. Y revenant à la seconde restauration, il fut placé au ministère de la justice, sans cesser de tenir à l’École normale. Une pièce de lui sur le Bonheur de l’Étude eut un accessit à l’Académie française ; il la publia avec d’autres poésies en 1817. Un autre recueil (Épîtres et Élégies) parut en 1819. Il concourut comme rédacteur aux Archives philosophiques, politiques et littéraires en 1817, et en 1819 au Lycée français, recueil distingué et délicat de pure littérature[1]. Cependant une raison précoce, une maturité vigilante le plaçaient au premier rang du très petit nombre des publicistes sages en ces temps de passion et d’inexpérience. Son plus piquant et son plus solide écrit politique est intitulé : Guerre à qui la cherche, ou Petites Lettres sur quelques-uns de nos grands écrivains ; il tire à droite et à gauche, sur M. de Bonald d’une part, sur Benjamin-Constant de l’autre. Loyson suivait la ligne modérée de M. Royer-Collard, de M. de Serre, et, si jeune, il méritait leur confiance : on ose dire qu’il avait crédit sur eux. Non-seulement on l’écoutait, mais on lui demandait d’écouter. Il était consulté par ces hommes éminens sur les points difficiles. Son visage, quand on lui lisait quelque écrit, prenait alors quelque chose de grave et de singulièrement expressif, qui, presque avant de parler, donnait conseil. Les discours imprimés de M. de Serre ont passé par ses mains. M. Pasquier a gardé de lui un souvenir de sérieuse estime. Le 27 juin 1820, il mourut de la poitrine, à peine âgé de vingt-neuf ans.

Sa renommée littéraire a souffert, dans le temps, de ses qualités politiques ; sa modération lui avait fait bien de vifs ennemis. Attaché à un pouvoir qui luttait pour la conservation contre des partis extrêmes, il avait vu, lui qui le servait avec zèle, ses patriotiques intentions méconnues de plusieurs. Cette fièvre même de la mort qu’il portait dans son sein, et qui lui faisait craindre (contradiction naturelle et si fréquente) de ne pas assurer à temps sa rapide existence, pouvait sembler aux indifférens de l’avidité. La mémoire fidèle de ses amis et la lecture de ses poésies touchantes ont suffi pour nous le faire apprécier et aimer. Comme poète, Charles Loyson est juste un intermé-

  1. J’emprunte la plupart de ces détails au Lycée même, qui contient (tome V, page 63) un article nécrologique sur Loyson, dû à la plume amie de M. Patin.