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dire autant d’un saint Grégoire, exécuté par Camuccini pour les bénédictins, qui semblaient me commander l’admiration en articulant avec fierté le chiffre de la rémunération vraiment royale qu’ils venaient d’envoyer au célèbre artiste romain. Il est bon de dire que les bénédictins possèdent un revenu de 50,000 piastres. Aussi, faisaient-ils tracer en ce moment-là un méridien astronomique dont le gnomon, de quatre-vingt-douze palmes d’étendue, devait être réglé par le directeur de l’observatoire de Palerme, le savant Cacciatore, que les pères avaient mandé à cet effet.

Mais le plus bel ornement de l’église du cloître est incontestablement l’orgue doré qu’une heureuse inspiration a placé dans le chœur, à la place qu’occupe d’ordinaire le maître-autel, qui s’élève isolément dans cette partie de la nef, à la manière de quelques églises de Rome. On ne peut se figurer le bel effet de cette ordonnance, qu’augmentent encore la forme svelte et gracieuse de cet orgue, sa dimension immense et la simplicité de ses ornemens. C’est l’ouvrage de Donato del Piano, qui l’a composé de soixante-douze registres, et non de cinquante-cinq, comme le dit par erreur le comte de Borch dans ses lettres sur la Sicile. Sous ce magnifique instrument, dont un des moines avait bien voulu tirer quelques accords en mon honneur, un bénédictin officiait devant le grand autel ; et c’était un charme que de voir avec quelle aisance et quel laisser-aller presque dédaigneux le jeune moine gentilhomme (les moines bénédictins le sont tous, et des meilleures maisons de la Sicile) jetait son Dominus vobiscum à une centaine de villani humblement agenouillés avec leurs femmes et leurs enfans sur les dalles de la noble église.

Lors de la grande éruption de 1669, les deux fleuves de lave qui coulèrent de l’Etna pour envahir à la fois la contrée et la mer, se détournèrent devant la façade postérieure du couvent, et s’éloignèrent après avoir formé une masse de rochers qui s’élève à la hauteur de l’édifice, et qui a couvert les anciens jardins. De l’étage supérieur du cloître, on a jeté un pont qui s’étend sur un profond ravin de lave, et l’on parvient ainsi dans un jardin formé de terre végétale apportée sur la lave. Les allées sont tracées dans la lave même, et leurs bordures sont ainsi des roches noires symétriquement coupées comme le buis taillé dont on borde les allées de nos jardins.

Après avoir vu les bénédictins de San-Nicolò il faut passer, sans s’arrêter, devant les autres édifices religieux de Catane, qui sont cependant très nombreux, ainsi que leur personnel. Aujourd’hui on compte à Catane, outre l’évêque et le chapitre de la cathédrale, deux autres