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monument a été dédié au roi Ferdinand Ier par la piété de John Acton, comme le dit l’inscription latine qui figure sur une de ses faces. Plus loin, sur la promenade la Marina, s’étend un beau palais dont la longue et charmante façade est chargée de milliers d’amours perdus dans de gracieux enroulemens ; mais l’aspect effrayant de la mer en détruit tout l’effet. Quelques barques, de pesantes gabares, ornées à leur poupe de lourdes figures de saints, étaient amarrées le long du quai et sous le château ; à leur couleur sombre, aux voiles noires qui pendaient le long de leurs mâts, on eût dit que ces embarcations portaient la livrée de Catane.

Eh bien ! le croira-t-on, ce sol dévoré par le feu de l’Etna, cette côte où le volcan a renversé l’une sur l’autre toutes les cités qu’on y a élevées, et qui n’offrait déjà qu’un champ de ravages avant qu’une population hardie vînt s’y fixer, ces lieux désolés enfin ont attiré les premiers l’attention des colonies errantes dans les mers de la Grèce et de l’Orient. Le printemps éternel qui règne au pied du volcan, les belles rives du fleuve Amenano, la fertilité de la terre, faisaient oublier le danger qui menace sans cesse tout ce qui avoisine l’Etna. L’Etna lui-même est devenu, aux yeux des habitans de Catane, une sorte d’ami terrible qui détruit en un jour les dons qu’il répand autour de lui pendant des siècles, mais ami cependant, ami qu’on aime, dont on est fier, et qu’on montre avec orgueil aux étrangers, en disant : « Il nostro Etna, notre Etna. »

Qui fonda Catane ? Qui vint le premier, avec un courage encore supérieur à ce triple cœur d’airain qu’il fallut au premier homme pour affronter la mer, dresser sa tente sous des voûtes de feu, s’abriter avec sa famille sous une pluie de pierres et de rochers ? C’est un secret qui est resté enfoui au fond des milliers de couches de lave sous lesquelles ont disparu tant de populations diverses. On pourrait aussi bien se demander d’où vient l’Etna, d’où sort la Sicile elle-même qui, un beau jour sans doute, a été vomie du fond de la mer à sa surface, à la suite de quelque révolution souterraine, comme les Lipari et les Liparetti, ses voisines. Les anciens la croyaient, il est vrai, détachée d’un continent, du nôtre ou de la grande terre africaine. En effet, l’Europe et l’Afrique peuvent réclamer aux mêmes titres leurs droits à la paternité de la Sicile, dont le sol et les habitans portent le cachet de ces deux zônes et de ces deux races ; mais la Sicile et les Siciliens tiennent avant tout à la nature volcanique qui se reproduit elle seule, et dont on peut dire, avec plus de justesse, ce qu’on disait récemment de Napoléon : « Les volcans n’ont pas de parenté. » Toujours