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L’AFGHANISTAN. — MŒURS DES AFGHANS.

seulement les colons, mais aussi les fermiers et les Buzgurs, connus sous le nom générique de Humsayehs (voisins). Ils n’ont ni le droit de propriété ni celui d’assister aux djirgas. Cependant ils peuvent s’y faire représenter par des personnes de leur choix. Chaque Humsayeh est tenu de se choisir un patron parmi les Afghans. Le nombre de ces patrons, qui rappelle l’usage adopté à cet égard par les Romains, est, dans certaines tribus, très considérable. Le sort des Humsayehs est généralement assez heureux. Leurs patrons sont obligés de les défendre et de les protéger de tout leur pouvoir et dans toutes les circonstances possibles. La plupart d’entre eux sont Tadjiks ou étrangers. Cependant on y voit aussi des Afghans venant d’une tribu dans une autre tribu. Les Humsayehs d’origine afghane sont plus estimés que les autres.

Telle est l’organisation intérieure des Afghans : toutes les tribus de ce peuple jouissent de droits égaux et sont soumises à des obligations égales. La tribu des Douranies est la seule qui fasse exception à cette règle, comme étant attachée par des liens de consanguinité à la maison royale.

Les Douranies sont exempts des impôts fonciers. Les rois des Afghans font partie de l’Oulouss Populzaï, et particulièrement de la famille Saddozaï. Cette famille a des priviléges considérables : aucun de ses membres ne peut être condamné et puni qu’en vertu d’un décret prononcé dans le sein de la famille. Le khan de l’Oulouss des Douranies lui-même n’a aucun pouvoir sur aucun individu appartenant à la famille Saddozaï. Leurs personnes sont sacrées et placées, du consentement de la nation, à l’abri de toute attaque particulière, fût-elle la plus juste au fond.

Wilken a montré qu’il existait de très grandes analogies entre cette organisation à la fois démocratique et monarchique (avec des priviléges en faveur d’une tribu particulière), et l’organisation politique de la Perse ancienne, au temps de Cyrus. Il a donné, par ses savantes recherches, un très grand degré de probabilité à l’hypothèse de Klaproth sur l’origine de la langue poushtou, lien commun de toutes ces peuplades. La constitution primitive des Afghans, constitution marquée énergiquement au coin de l’individualité persane, vient à l’appui de cette hypothèse d’une manière aussi tranchante que la langue même. Selon Klaproth, Wilken et Ritter, le poushtou serait d’origine perso-mède. Des recherches toutes récentes sembleraient indiquer des analogies entre le poushtou et le sanskrit[1] ;

  1. Voyez Asiatic journal, décembre 1839, p. 255.