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L’AFGHANISTAN. — MŒURS DES AFGHANS.

fleurs. Il n’y a point ici de chaleurs étouffantes comme sur les bords du Gange ; mais l’air est pur et vif, les rayons du soleil pénètrent aisément l’atmosphère. L’été, comme l’hiver, arrive subitement et s’en va de même. Le changement des saisons est brusque, mais régulier. À une journée de marche de Kaboul, vous trouverez des endroits où il ne tombe jamais de neige, et en deux heures vous pouvez vous transporter dans des lieux où elle couvre le sol pendant presque toute l’année.

Tous les observateurs constatent que c’est ici que finit, pour ainsi dire, l’Asie orientale et que commence l’Asie occidentale avec ses tendances européennes. De ce point critique, regardez à l’est, et vous y voyez une race d’hommes recueillis en eux-mêmes, séparés par leur civilisation et leurs mœurs du reste du continent asiatique et du monde entier. À l’ouest, aux yeux de ces peuples spectateurs immobiles et impassibles du mouvement des autres peuples, commence l’Europe, même en Asie, tant est frappant le contraste que présentent ces deux moitiés d’une même masse terrestre[1].

Sous le point de vue historique, l’une de ces moitiés semble exercer une force attractive, l’autre une force répulsive, sur les races humaines, phénomène qu’aucune autre partie du monde ne présente avec le même caractère de grandeur. D’un côté, habitudes calmes et contemplatives, indifférence de ce qui se passe à l’extérieur, obstacles physiques, répugnance naturelle et empêchemens religieux à l’émigration ; de l’autre, agitation perpétuelle des hommes et des intérêts, besoin de changement, recherche d’un équilibre inconnu entre les besoins et le superflu : natures différentes en un mot, et non moins dans le sens physique que dans le sens moral.

Avant de nous occuper de l’ethnographie de l’Afghanistan, achevons l’esquisse de la constitution physique du pays, et jetons un coup d’œil sur les provinces qui en étaient autrefois des dépendances.

Les monts Soliman, décrits pour la première fois par Elphinstone, commencent au Sofaid-Kôh et suivent la direction du sud jusque vers 29° L. N., où ils tournent en s’abaissant vers le plateau de Kélat et se joignent aux monts Brahoé, qui forment le bord oriental de ce plateau, et que H. Pottinger a nommés ainsi d’après les peuples qui les habitent[2]. Sur le dos du haut et froid plateau de

  1. Vilaèt et Vilaèti, dans l’Hindoustan et les contrées voisines, désignent également notre Europe et l’Europe asiatique, c’est-à-dire les pays au-delà de l’Indus et les habitans ou les productions de l’une et de l’autre.
  2. C’est la chaîne que Burnes désigne sous le nom de Halarange, et dont les