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REVUE DES DEUX MONDES.

LA MARQUISE.

Allons, Monsieur, laissez-nous un peu ensemble… Vous voyez que ma fille est malade.

SAMUEL.

Je vous aiderai à la soigner.

LA MARQUISE.

Eh ! cela ne vous regarde pas.

SAMUEL.

Si fait.

JULIE.

Monsieur !… je voudrais être seule avec ma mère…

SAMUEL.

Je ne m’éloignerai pas dans l’état où je vous vois.

LA MARQUISE.

Mais vous êtes nécessaire chez vous. Tout notre monde y arrive en ce moment, et il n’y a personne pour recevoir. Voulez-vous qu’on trouve chez vous visage de bois un jour de noce ?

SAMUEL.

Oh ! mes gens sont là, j’en ai beaucoup, et des mieux stylés.

LA MARQUISE.

C’est peut-être l’usage dans votre monde que les valets remplacent le maître ; mais, dans le nôtre, cela ne se fait pas, mon cher.

SAMUEL.

En ce cas, madame la marquise, vous aurez la bonté de remonter dans ma voiture et d’aller faire les honneurs de mon hôtel, car pour moi je reste auprès de ma femme.

LA MARQUISE.

De votre femme !… Eh ! vous êtes bien pressé de lui donner ce nom.

JULIE.

Ma mère, ne me quittez pas !

SAMUEL.

Je vous en supplie, n’ayez pas peur de moi, madame… madame Bourset !…

LA MARQUISE.

Elle s’appelle de Puymonfort, monsieur ! et elle vous a épousé à condition de ne pas perdre son nom.

SAMUEL.

Ah ! ce n’est pas comme moi, qui l’ai épousée à condition de perdre le mien.

LA MARQUISE.

On le sait bien… Allons ! voilà ma fille qui s’évanouit… Allez donc appeler sa femme de chambre.

SAMUEL.

Je sonnerai, ce sera plus tôt fait.

JULIE, bas à la marquise.

Ah ! ma mère, quel supplice !