Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/824

Cette page a été validée par deux contributeurs.
816
REVUE DES DEUX MONDES.

On pourrait ajouter d’autres noms illustres à ceux qu’on vient de citer ; mais malheureusement il y a des académiciens qui depuis très long-temps n’ont pas lu un seul mémoire à l’Institut, et dont, pour ce motif, il me semble que je dois m’abstenir de parler ici. À la vérité, pour les médecins de l’Académie, cette inaction est presque une nécessité ; car, chargés ordinairement de quelque cours public et accablés par une nombreuse clientelle, ils se voient de plus ravir par les commissions des prix Monthyon le peu de temps dont ils pourraient disposer pour se livrer à l’étude. Concevez-vous, monsieur, quelque chose de moins logique, de moins profitable aux véritables intérêts de la science, qu’un réglement qui force des hommes tels que les Larrey, les Double, les Magendie, les Dumeril, les Breschet, les Roux, les Serres, à interrompre tous leurs travaux scientifiques pour s’occuper exclusivement pendant plusieurs mois de l’examen d’ouvrages qui sont, sans aucun doute, bien inférieurs aux écrits originaux qui sortiraient de la plume de ces hommes célèbres, si on ne les privait pas ainsi de leur temps ? C’est là un des inconvéniens les plus graves des dispositions testamentaires de M. de Monthyon, et ce n’est pas le seul. Mais il n’y a pas uniquement des médecins à l’Académie, et l’on ne conçoit pas comment des hommes d’un talent incontestable, qui sont dans la force de l’âge, et qui peuvent disposer de leur temps, n’entretiennent pas plus souvent leurs confrères du fruit de leurs recherches. Leur silence appauvrit le corps auquel ils appartiennent ; il est à désirer, de toutes manières, qu’il ne se prolonge pas davantage. Les marques non équivoques de satisfaction que donne toujours l’Académie lorsqu’un de ses membres, surtout des plus anciens, demande la parole pour lire un mémoire, doit prouver généralement que, malgré des tendances et des aberrations individuelles, la haute science conserve son ascendant à l’Institut, et que ce corps n’a jamais cessé de rendre hommage au véritable talent.

Ne croyez pas cependant, monsieur, que par ces réflexions je veuille m’associer à ces voix malveillantes qui s’en vont répétant que les membres de l’Académie des sciences ne travaillent plus, et qu’il est nécessaire de réveiller leur zèle à tout prix : sans parler de ces illustres vétérans qui, au déclin d’une vie noblement employée, servent d’exemple à leurs jeunes confrères, même parmi ceux qui ne prennent jamais la parole, il n’y en a presque pas un seul qui ne poursuive avec persévérance un sujet déterminé de recherches, ou qui ne s’occupe activement de la publication d’un ouvrage considérable. Mais ces ouvrages contribuent plus à la réputation individuelle