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s’impatiente de ne pas voir encore à l’Académie. Tous les services publics ont été mis à contribution pour enrichir la section de mécanique. La marine a donné M. Dupin ; les ponts-et-chaussées MM. Cauchy et Coriolis ; M. Poncelet est sorti de cette belle école de Metz où la science est appliquée à la fois à la défense et à la prospérité du pays. M. Gambey, entré récemment à l’Académie, et qui jouit d’une réputation si bien méritée, est un exemple frappant de la supériorité de la classe ouvrière chez nous, où chaque individu a dans son sac à outils la médaille de membre de l’Institut. Enfin, il ne faut pas oublier un académicien libre, M. Séguier, qui trouve dans les plus ingénieuses combinaisons mécaniques un délassement à ses graves fonctions de magistrat.

La section de géométrie, qui est la première à l’Académie, était peut-être aussi la plus forte et la plus illustre lorsqu’elle renfermait à la fois Lagrange, Legendre et Laplace. Maintenant, quoique, sous la direction du vénérable M. Lacroix, elle soutienne encore l’honneur du corps, elle fait entendre trop rarement sa voix, et, excepté quelques beaux mémoires de M. Poinsot sur la philosophie des mathématiques, on ne connaît aucun travail analytique sorti récemment de la plume d’un des membres de cette section. Sans doute, M. Puissant est à la tête de tous ceux qui s’occupent de géodésie en Europe, M. Biot est un physicien du premier ordre ; mais, comme géomètres, ils ne prennent part que bien rarement aux travaux de la section à laquelle ils appartiennent. Cependant cette section est renforcée à l’Académie par d’autres savans qui suffiraient seuls à la réputation de la France. À leur tête brille M. Poisson, si fertile et si profond à la fois, que nous pourrons toujours montrer aux étrangers avec un juste sentiment de fierté nationale, et qui a fait faire à la mécanique céleste, à la physique mathématique, à toutes les branches de l’analyse, de si notables progrès. M. Cauchy, qu’après une longue absence on a vu avec plaisir rentrer à l’Académie, étonne l’Europe par le nombre et la variété de ses travaux. Enfin, M. Porcelet, qui, lorsqu’il était prisonnier en Russie, pour se soustraire aux ennuis d’un séjour forcé dans des pays barbares, sut créer des méthodes qui ont donné une nouvelle impulsion à la géométrie, mérite d’être cité parmi nos plus habiles mathématiciens. De tels exemples doivent exciter la jeunesse à cultiver avec ardeur la science qui, depuis deux siècles, n’a cessé de briller chez nous. L’esprit géométrique ne s’éteindra jamais en France, mais on pourrait craindre qu’après avoir bien appris les mathématiques, nos jeunes savans,