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LES SCIENCES EN FRANCE.

et dans le conseil de l’École polytechnique. Je reviendrai une autre fois, monsieur, sur cette école célèbre et sur l’Observatoire de Paris, auquel est attaché le sort de l’astronomie en France, et d’où l’on voudrait voir sortir plus souvent des travaux comparables à ceux que produisirent, dans le siècle dernier, les astronomes qui surent répandre tant d’éclat sur ce grand établissement.

Comme je ne veux nullement entrer dans la politique, je me bornerai à vous faire remarquer qu’à la Chambre M. Arago n’a pas réussi à se créer une position tout-à-fait conforme à son talent. Cela tient en partie sans doute aux opinions démocratiques qu’il professe, mais en partie aussi au caractère un peu trop passionné et souvent personnel des discours qu’il a prononcés. On ne conçoit pas, en effet, pourquoi un homme d’un esprit si distingué, et dont les connaissances théoriques auraient pu en plusieurs circonstances être très utiles à la Chambre, n’a presque jamais pris la parole sans attaquer quelque corps ou quelque individu. L’enseignement classique tout entier, l’École des ponts-et-chaussées, la marine, les examinateurs de l’École de Saint-Cyr, et même le professeur d’astronomie du Collége de France, ont été tour à tour l’objet de ses agressions. M. Arago semble oublier quelquefois que du haut de la tribune un député parle à la France et à l’Europe entière, et que, pour ne pas compromettre sa dignité, il doit toujours s’abstenir de toute personnalité.

Vous trouverez peut-être, monsieur, que, voulant vous parler de l’état des sciences en France, je vous ai entretenu bien long-temps d’un seul homme. Mais si vous considérez la position que cet homme occupe à l’Institut et à la Chambre, l’influence qu’il exerce sur une partie notable de la presse, les nombreux partisans qu’il a dans les premiers corps scientifiques de Paris, sa grande popularité, l’activité avec laquelle il sait servir ses adhérens et poursuivre ses adversaires ; si vous remarquez qu’il est devenu le chef d’un parti redoutable qui menace de tout envahir, vous comprendrez que je ne pouvais pas me borner à quelques mots sur son compte, et qu’en vous le faisant connaître, je vous initiais aux ressorts cachés, mais puissans, qui agissent continuellement chez nous sur les sciences, et qui, si la chose était possible, tendraient à les faire descendre des plus hautes sommités pour les amener à suivre l’impulsion capricieuse de la foule et à ambitionner le suffrage de juges incompétens.

Les défauts que j’ai dû signaler dans M. Arago ne m’empêchent pas, monsieur, de reconnaître ses qualités. Personne plus que moi