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Santa-Rosa n’était point avec eux. Il ne s’était pas non plus retiré à bord des bâtimens grecs qui se trouvaient dans le port. Collegno a revu à Smyrne l’Allemand qui avait été pris à Sphactérie et dont Soliman-Bey lui avait parlé ; il n’avait pas vu Santa-Rosa parmi les prisonniers. »


Plus tard, ayant demandé à M. de Collegno s’il ne trouvait pas dans ses souvenirs quelque détail exact et certain à ajouter à la note précédente, il me remit celle qui suit :


« Le 4 décembre 1824, nous découvrîmes les montagnes du Péloponèse. Des six passagers qui étaient à bord de la Little Sally, cinq éprouvaient la joie naturelle à tout homme qui touche au terme d’un long voyage de mer ; trois surtout étaient impatiens de toucher le sol sacré. Santa-Rosa seul, appuyé sur un canon, contemplait tristement le pays qui se présentait de plus en plus distinctement à notre vue. Le soir, il disait à Collegno : « Je ne sais pourquoi je regrette que le voyage soit fini déjà ; la Grèce ne répondra pas à l’idée que je m’en fais ; qui sait comment nous y serons reçus, qui sait quel sort nous y attend ? »

« Le 31 décembre, Santa-Rosa se trouvait chez le ministre de la justice (comte Theotoki). On parlait de la froideur avec laquelle des étrangers dont les députés grecs à Londres répondaient, et qui ne demandaient qu’à être employés, étaient accueillis par le gouvernement. Le comte Theotoki dit : « Que voulez-vous ? Ce n’est pas d’hommes, ce n’est pas d’armes, de munitions, que nous avons besoin ; c’est d’argent. » Le lendemain, 1er janvier, M. Mason, Écossais qui s’était lié avec Santa-Rosa, lui dit qu’un Grec ami du comte Theotoki avait conseillé à lui, Mason, de ne pas fréquenter Santa-Rosa ni Collegno, comme étant suspects au gouvernement. Santa-Rosa quitta Napoli le lendemain.

« En partant d’Épidaure le 3 janvier au soir, un papas d’un aspect vénérable, mais couvert de haillons, demanda qu’on lui accordât de passer à Égine dans la barque que nous avions frétée. Interrogé par notre interprète, il nous fit répondre qu’il avait quitté la Thessalie, sa terre natale, pour échapper à la persécution des Turcs. Sa femme et cinq enfans étaient réfugiés dans une des îles de l’Archipel. Ils n’avaient tous d’autres moyens de subsistance que les aumônes que le père recueillait dans ses courses, en montrant des reliques aux fidèles. La similitude de position, la femme et les cinq enfans réduits